Industrie du jeu vidéo: France vs Chine, une comparaison éclairante en 2025

AuthorArticle written by Vivien Reumont
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Publication date04/12/2025
Visuel de couverture pour un rapport intitulé « Analyse du marché du JV France-Chine 2025 », produit par Achievement Industry. La partie gauche de l’image présente un fond bleu foncé avec le logo du média en haut (une coupe stylisée avec une manette de jeu), suivi d’un texte en lettres majuscules blanches et bleues indiquant le titre du rapport. À droite, une illustration d’ambiance de type fantasy sombre : plusieurs personnages armés, en posture d’exploration ou de combat, se tiennent face à une immense structure mystérieuse en pierre, surmontée d’une statue monumentale et d’une cascade. L’atmosphère est dramatique, avec des teintes brumeuses et dorées, suggérant une aventure épique ou un jeu de rôle en monde ouvert.

L’industrie mondiale du jeu vidéo vit une transformation radicale. Alors que la France, historiquement terre de création vidéoludique, peine à maintenir son rang, la Chine s’impose aujourd’hui comme la première puissance du jeu vidéo — tant sur le plan économique que culturel et technologique. Cette bascule, loin d’être accidentelle, résulte d’un plan structuré, d’investissements massifs et d’une réorientation stratégique spectaculaire, notamment depuis 2024.

Derrière cette montée en puissance, un signal fort : le succès fulgurant de Black Myth: Wukong, titre chinois développé par Game Science, qui a conquis le monde en vendant plus de 10 millions d'exemplaires en quelques jours. Ce jeu n’a pas seulement dominé les classements Steam ou consoles : il a fait figure de preuve que la Chine pouvait créer des blockbusters de classe mondiale. Ce coup d’éclat a déclenché une réaction politique immédiate. En 2025, le gouvernement chinois a investi plus de 1,8 milliard de dollars dans le jeu vidéo, ouvert des zones franches à Shanghai, Chengdu, Shenzhen et Chongqing, et multiplié les initiatives pour attirer les talents, soutenir les studios et former une main-d’œuvre spécialisée.

Pendant ce temps, la France fait face à une situation plus nuancée, voire préoccupante. Si le pays reste innovant, il souffre d’un déséquilibre entre formation et emploi, d’un financement fragmenté, et d’un écosystème parfois trop centré sur lui-même. Résultat : des talents qui s’exilent, des studios qui peinent à évoluer, et une industrie qui ne suit plus le rythme mondial.

Cet article propose une analyse comparative rigoureuse de ces deux géants aux trajectoires opposées. À travers des chiffres concrets, des exemples précis et une lecture business des politiques mises en œuvre, nous tenterons de répondre à une question cruciale : quels enseignements la France peut-elle tirer du modèle chinois pour redonner un élan à son industrie du jeu vidéo ?

 

Taille du marché : Chine vs France

Le marché chinois, géant mondial

En 2025, la Chine est officiellement le premier marché mondial du jeu vidéo, avec un chiffre d’affaires estimé à 47,5 milliards de dollars, selon les données de Niko Partners. Ce marché est alimenté par plus de 730 millions de joueurs, dont une proportion croissante adopte des plateformes internationales comme Steam — les Chinois représentant désormais près de 23 % des utilisateurs actifs sur la plateforme de Valve.

Mais au-delà des chiffres bruts, c’est l’ambition qui impressionne. Le tournant majeur est survenu en août 2024 avec le lancement de Black Myth: Wukong. Ce jeu d’action-RPG, basé sur la mythologie du Roi Singe, s’est imposé dès les premières 72 heures comme un phénomène mondial : 10 millions de copies vendues en trois jours, plus de 20 millions en un mois. Ce succès a montré qu’un studio chinois, Game Science, pouvait rivaliser avec les productions occidentales les plus ambitieuses.

“Black Myth: Wukong n’est pas seulement un succès commercial, c’est une déclaration d’indépendance artistique et industrielle” — analyse d’un rapport de Rest of World (2024).

Face à ce coup d’éclat, le gouvernement chinois a réagi immédiatement. En 2025, Pékin a débloqué 1,87 milliard de dollars pour soutenir son industrie vidéoludique, un montant sans précédent, orienté vers :

  • la création de zones franches (tax-free) pour développeurs à Shanghai, Chengdu, Chongqing et Shenzhen ;
  • l’expansion des filières académiques dédiées au jeu vidéo dans les grandes écoles (ex : l’École normale de Shanghai, HIT Academy) ;
  • le soutien à l’internationalisation et à l’innovation technologique (notamment dans l’IA).

Cette politique agressive a déjà porté ses fruits avec le succès de nouveaux titres comme Where Winds Meet et Escape from Duckov, et des événements d’envergure comme :

  • ChinaJoy 2025, qui a attiré 410 300 participants, devenant la plus grande convention de jeux vidéo au monde ;
  • WePlay Expo, avec plus de 20 000 visiteurs, axée sur les studios indépendants.

1.2 Le marché français : stable mais beaucoup plus modeste

À l’échelle mondiale, la France occupe une place secondaire dans l’industrie vidéoludique. En 2024, selon le SNJV (Syndicat National du Jeu Vidéo), le chiffre d’affaires du secteur en France était estimé à 5,5 milliards d’euros, soit environ 6 milliards de dollars — presque 8 fois moins que celui de la Chine. Le nombre de joueurs actifs dépasse les 38 millions, mais la croissance stagne.

Si le marché reste dynamique dans certains segments (notamment mobile et consoles), plusieurs signaux sont inquiétants :

  • la Paris Games Week 2025 a enregistré une baisse de fréquentation marquée, avec seulement 140 000 visiteurs contre plus de 300 000 en 2019 ;
  • peu de nouvelles licences françaises majeures ont émergé sur le marché international ces dernières années.

L’écart de volume est d’autant plus marquant dans l’écosystème de production : la Chine finance massivement ses studios, tandis que les studios français peinent à atteindre des niveaux de production AAA. Par exemple, Clair Obscur: Expedition 33, l’un des rares titres ambitieux français récents, est en réalité développé par des anciens d’Ubisoft… de Shanghai.

 

Production de jeux & studios : volume, diversité et ambitions

L’essor – et les ambitions – de la production chinoise

La Chine ne se contente plus d’être un marché de consommation. En 2025, elle devient une puissance de production vidéoludique, avec une stratégie claire : monter en gamme, exporter ses créations et dominer à la fois le marché local et international.

En chiffres :

  • Plus de 15 000 studios de développement actifs sur le territoire chinois, tous formats confondus (source : CGIGC, 2025) ;
  • 1 363 nouveaux jeux approuvés par le NPPA (National Press and Publication Administration) au premier semestre 2025, soit +28 % par rapport à 2024 ;
  • Plus de 350 titres chinois lancés sur le marché international depuis début 2024, selon les données de Statista.

Cette explosion s’accompagne d’une diversification remarquable :

  • Des jeux “blockbusters” à la manière occidentale comme Black Myth: Wukong ;
  • Des titres multi-joueurs compétitifs comme Honor of Kings ou Arena Breakout ;
  • Des expériences artistiques et narrativement riches avec Where Winds Meet, un open-world inspiré du wuxia, ou encore The Winds Rise, en développement chez NetEase.

Mais l’élément structurant est ailleurs : les investissements massifs dans les studios et les infrastructures. Tencent, géant de la tech, a alloué plus de 2,5 milliards de dollars en 2025 pour soutenir ses studios, dont Lightspeed & Quantum, TiMi Studios, ou encore ceux installés à l’étranger — notamment Vantage Studio en France, filiale de son partenariat stratégique avec Ubisoft.

Cette approche est renforcée par une volonté politique : les studios chinois sont installés dans des zones franches, bénéficiant d’exemptions fiscales, de subventions à l’embauche et de services publics accélérés. À Shanghai ou Shenzhen, les start-ups du jeu vidéo peuvent se lancer avec une structure d’investissement quasi immédiate.

Le paysage français : des talents, mais des limites structurelles

La France dispose d’un vivier de créateurs mondialement reconnus, et en 2025, elle a prouvé qu’elle pouvait encore produire des hits globaux, avec un bel exemple :
Clair Obscur: Expedition 33, développé par le studio montpelliérain Sandfall Interactive, a été lancé en avril 2025 et a dépassé les 5 millions de copies vendues en quelques mois. Plébiscité par la critique pour son univers artistique inspiré et son gameplay novateur, le jeu a démontré la capacité d’un studio français à rivaliser avec les blockbusters internationaux.

Cependant, cette réussite reste l’arbre qui cache la forêt. Derrière cette vitrine :

  • La France compte environ 1 200 studios de développement (SNJV, 2024), mais 70 % sont des microstructures de moins de 10 salariés ;
  • Les moyens de production sont souvent limités : peu de studios accèdent à des budgets dignes du AAA ;
  • La majorité des productions françaises restent cantonnées au mobile, à l’indé ou aux formats courts.

Par ailleurs, les aides publiques, bien que nombreuses sur le papier, sont jugées complexes, opaques et parfois politisées :

“Il faut connaître les bons réseaux pour faire passer son dossier à la CNC, sinon ça bloque. On en arrive à un jeu d’influence au lieu de prioriser le potentiel des projets.” — témoignage anonyme d’un développeur français.

Conséquence directe : 67 % des studios indépendants français déclarent en 2025 vouloir se tourner vers le marché chinois pour financer leurs projets. La société Achievement Industry, pionnière dans ce domaine, a ouvert une antenne permanente en Chine, facilitant la mise en relation entre studios français et investisseurs chinois. Exposer son jeu à la ChinaJoy ou au WePlay devient plus stratégique que participer à la Paris Games Week.

Ainsi, même avec des succès comme Expedition 33, la production française peine à se structurer à grande échelle. Le potentiel existe, mais l’écosystème n’offre pas encore les conditions nécessaires à une industrialisation solide et compétitive.

 

Formation, talents et main‑d’œuvre

L’effort chinois : formation massive, adaptation aux besoins de l’industrie

La Chine a rapidement compris que la croissance de son industrie vidéoludique ne pouvait se faire sans une main-d’œuvre spécialisée. Depuis 2022, le pays a lancé un programme ambitieux d’intégration du jeu vidéo dans l’enseignement supérieur, avec des résultats spectaculaires.

En 2025, on compte :

  • plus de 300 établissements proposant des cursus spécialisés en création vidéoludique (source : ministère de l'Éducation chinois) ;
  • 50 nouvelles filières dédiées au jeu vidéo ouvertes dans des universités d’ingénierie et d’art ;
  • des écoles prestigieuses comme l’École Normale de Shanghai ou la HIT Academy qui ont adapté leurs programmes pour répondre directement aux besoins des studios.

La logique chinoise repose sur un alignement formation–emploi : l'État finance, les écoles forment, les studios recrutent. Résultat :

98 % des diplômés en filières vidéoludiques trouvent un emploi dans les six mois suivant leur diplôme. (données CGIGC, 2025)

Cette efficacité est due à une synergie public-privé efficace :

  • Les studios participent à l’élaboration des programmes pédagogiques ;
  • Les étudiants réalisent des stages systématiques dans des studios partenaires, parfois dès la première année ;
  • L’IA et les nouvelles technologies sont intégrées dès le début du parcours.

De plus, les écoles chinoises sont encouragées à se concentrer sur la qualité plutôt que la quantité, un point qui tranche radicalement avec la situation française, comme nous allons le voir.

La France : des écoles reconnues, mais un déséquilibre formation vs débouchés

En France, la situation est préoccupante. Le pays dispose certes d’écoles mondialement reconnues comme Isart Digital, Rubika, ENJMIN, LISAA, ou Gobelins, mais le problème se situe dans le rapport entre le nombre d’étudiants formés et les débouchés réels.

En 2025 :

  • Environ 12 000 étudiants sont formés chaque année dans des cursus jeux vidéo ;
  • Mais seuls 10 à 15 % d’entre eux trouvent un emploi dans le secteur dans les 6 à 12 mois suivant leur diplôme (source : SNJV et enquête interne 2025).

Ce déséquilibre entraîne plusieurs effets délétères :

  • Une frustration croissante des jeunes diplômés ;
  • Une fuite des talents vers l’étranger, notamment le Canada, les États-Unis et de plus en plus… la Chine ;
  • Un système d’écoles parfois plus tourné vers la rentabilité que la qualité.

Un chiffre illustre le malaise :

Seules 1 école de jeu vidéo sur 10 accepte d’être auditée par des experts indépendants pour évaluer la pertinence de ses formations selon les standards industriels.

À cela s’ajoute le manque de partenariats structurants avec les studios : trop peu d’élèves font des stages en entreprise, et les programmes sont souvent jugés déconnectés des réalités du terrain.

Cette situation provoque une saturation du marché français de l’emploi vidéoludique, et incite de nombreux talents à chercher ailleurs. Tandis que la Chine crée une génération de développeurs immédiatement opérationnels, la France produit une armée de diplômés trop souvent livrés à eux-mêmes.

 

Financements, investissements & stratégie économique

L’approche chinoise : investissements massifs, zones d’incitation, ouverture au financement externe

L’un des piliers de la stratégie chinoise est l’investissement ciblé et massif dans son écosystème vidéoludique. En 2025, le gouvernement a investi 1,87 milliard de dollars spécifiquement pour stimuler l’industrie du jeu vidéo — une somme répartie entre soutien à la production, formation, recherche technologique et internationalisation.

Parmi les mesures phares :

  • La création de zones franches “tax-free” pour développeurs à Shanghai, Shenzhen, Chengdu et Chongqing, où les start-ups peuvent bénéficier de zéro impôt pendant 3 à 5 ans, de subventions au loyer, et de facilités de recrutement.
  • L’octroi de fonds publics directs à des studios ayant démontré un fort potentiel d’innovation ou de rayonnement international.
  • Des incitations fiscales pour les investisseurs étrangers souhaitant s’implanter dans le jeu vidéo chinois.

En parallèle, les géants privés comme Tencent, NetEase ou miHoYo injectent des milliards dans des studios locaux et internationaux. Tencent, par exemple :

  • A renforcé son réseau mondial en rachetant des parts supplémentaires dans Ubisoft ;
  • A ouvert Vantage Studio à Paris pour créer une passerelle créative avec la France ;
  • A lancé des fonds d’investissement pour les studios indépendants européens souhaitant publier sur le marché chinois.

“La Chine ne joue plus. Elle finance, structure, internationalise. Elle devient une superpuissance industrielle vidéoludique.” — propos de Yang Xin, analyste pour Digital Dragon Asia.

Cette stratégie d’investissement est couplée à une libéralisation relative des régulations : après des années de blocage, le nombre de jeux approuvés par la NPPA a fortement augmenté en 2025, ce qui signale un assouplissement notable et un regain de confiance des créateurs.

Situation française : aides existantes, mais insuffisantes face à la concurrence internationale

En comparaison, le système français de financement du jeu vidéo apparaît plus rigide, fragmenté et moins compétitif.

La France dispose d’un cadre d’aide publique :

  • Crédit d’Impôt Jeu Vidéo (CIJV) qui rembourse jusqu’à 30 % des dépenses de production ;
  • Subventions du CNC (Centre National du Cinéma et de l’Image animée) ;
  • Aides régionales, parfois efficaces mais hétérogènes selon les territoires.

Cependant, plusieurs freins subsistent :

  • Les délais d’obtention des aides sont longs, parfois plus de 6 mois ;
  • L’accès est opaque, avec des critères souvent flous et la nécessité, selon certains développeurs, de passer par des organismes recommandés pour que le dossier soit bien reçu ;
  • Les fonds privés manquent à l’appel : peu de fonds d’investissement français s’intéressent au jeu vidéo, contrairement à la Chine ou au Canada.

Le résultat est net : 67 % des studios indépendants français cherchent en 2025 à se financer en Chine plutôt qu’en France, selon une enquête d’Achievement Industry. Non seulement les opportunités sont plus nombreuses, mais les coûts sont plus bas, la réactivité meilleure, et la volonté de co-produire plus forte.

En outre, les grandes conventions comme ChinaJoy ou WePlay offrent un écosystème bien plus dynamique que la Paris Games Week, dont la fréquentation est en baisse constante. La visibilité, le business et les connexions internationales sont désormais du côté asiatique.

“Aujourd’hui, il est plus facile de financer un jeu en présentant son projet à Shanghai qu’à Paris.” — développeur français basé en Chine.

Cette asymétrie dans les mécanismes de financement joue un rôle central dans l’écart grandissant entre les deux pays.

 

Innovation technologique & usages (IA, nouveaux modèles, distribution)

Chine : adoption de nouvelles technologies, IA, nouvelles tendances, distribution massive

L’un des éléments les plus frappants de l’essor chinois est sa capacité à intégrer rapidement les dernières innovations technologiques dans ses processus de développement. En 2025, la Chine est en avance sur de nombreux fronts — en particulier dans l’intelligence artificielle appliquée à la création de jeux.

Plusieurs géants technologiques investissent massivement dans ce domaine :

  • Tencent Games a mis en place une division R&D dédiée aux outils d’IA pour la génération automatique de personnages, de dialogues et de textures.
  • Meshy.ai, startup soutenue par le gouvernement, développe des solutions d’IA générative pour modéliser des environnements 3D ultra-rapides, réduisant jusqu’à 50 % le temps de production d’un jeu.
  • miHoYo, à travers son hub de recherche à Shanghai, travaille sur des IA de narration dynamique pour ses prochains titres, avec une ambition claire : rendre l’expérience joueur personnalisée en temps réel.

Ces innovations permettent non seulement d’accélérer la production, mais aussi de réduire les coûts et d’augmenter la diversité des contenus. La Chine parie sur l’automatisation créative pour devenir leader mondial de la productivité vidéoludique.

En parallèle, le pays explore de nouveaux modèles de distribution :

  • L’adoption massive de plateformes comme TapTap ou Bilibili Games permet aux jeux de toucher rapidement des millions d’utilisateurs ;
  • Steam, de plus en plus populaire en Chine, voit les joueurs chinois devenir les plus actifs de la plateforme en 2025, avec une croissance à deux chiffres ;
  • Les studios chinois adoptent également une stratégie “glocale” : des jeux pensés dès le départ pour plaire à la fois aux joueurs chinois et internationaux, comme Escape from Duckov, un FPS parodique devenu culte à l’international.

France : innovation présente mais freinée par les contraintes économiques et structurelles

La France, pourtant pays d’ingénierie, ne manque pas de talents ni d’idées. Plusieurs studios français expérimentent avec succès :

  • Des projets de jeux narratifs alimentés par des modèles de langage (ex : Narratio Studio, en prototype avec GPT) ;
  • Des studios comme Dontnod ou Asobo qui intègrent des techniques avancées de motion capture et de génération procédurale ;
  • L’Hexagone compte aussi des entreprises comme Kinetix (Paris), qui développent des outils IA pour l’animation 3D.

Cependant, le frein principal reste financier. Les projets innovants nécessitent des phases de R&D longues, coûteuses et risquées — un luxe que peu de studios français peuvent se permettre. Résultat :

  • L’adoption de l’IA reste marginale et souvent expérimentale ;
  • Le soutien public à la recherche appliquée dans le jeu vidéo est beaucoup moins structuré qu’en Chine ;
  • La dépendance à des moteurs de jeu étrangers (Unity, Unreal Engine) reste forte, faute de solutions locales alternatives.

De plus, les modèles de distribution peinent à se réinventer :

  • Peu de plateformes françaises pour les indépendants ;
  • Une présence faible sur les stores mobiles asiatiques ;
  • Des stratégies d’export souvent limitées à l’Europe et l’Amérique du Nord.

Tandis que la Chine mise sur la vitesse, l’automatisation et la mondialisation, la France reste prudente, cloisonnée et souvent en retard dans l’adoption de ces innovations.

 

Risques, défis et opportunités pour la France

Les signaux d’alerte : perte de talents, fuite vers l’étranger, saturation de l’offre, manque de financement

À travers les chiffres et constats précédents, un tableau préoccupant se dessine pour l’industrie vidéoludique française. Si la créativité est là, les signaux d’alerte s'accumulent, annonçant un possible déclin à moyen terme si aucune mesure structurelle n’est prise.

Parmi les menaces les plus sérieuses :

  • Fuite des talents : selon une étude interne du SNJV, plus de 45 % des jeunes diplômés du jeu vidéo envisagent de partir travailler à l’étranger, principalement vers le Canada, les États-Unis et de plus en plus vers la Chine.
  • Surproduction académique vs sous-emploi : chaque année, 12 000 étudiants sont formés aux métiers du jeu vidéo en France, mais seulement 10 à 15 % trouvent un emploi dans l’industrie locale dans l’année suivant leur diplôme.
  • Blocages administratifs et clientélisme : plusieurs studios dénoncent des freins à l’obtention des aides publiques, avec une certaine “opacité institutionnelle” où les circuits officiels de financement favorisent les studios déjà bien établis ou connectés.
  • Désengagement progressif du marché intérieur : alors que la Paris Games Week continue de perdre de l’influence (140 000 visiteurs en 2025, contre 300 000 en 2019), les studios français se tournent désormais vers la Chine pour exposer leurs jeux — 67 % des studios indépendants français déclarent préférer présenter leurs projets à ChinaJoy ou WePlay, jugés plus professionnels, plus efficaces, et bien plus connectés aux marchés internationaux.

“L’industrie française est riche en idées, mais pauvre en structures. On a les artistes, pas l’écosystème.” — témoignage d’un producteur indépendant.

La situation est d’autant plus critique que d'autres pays européens, comme la Pologne, l’Espagne ou même la Belgique, rattrapent rapidement la France en termes de production et d’export. Dans ce contexte, le retard français devient stratégique.

Pistes pour rebondir : ce que la France peut apprendre de la Chine

Loin de toute sinistrose, il existe de vraies opportunités pour redresser la trajectoire de l’industrie vidéoludique française. La comparaison avec la Chine, bien que parfois brutale, permet d’identifier des leviers concrets.

1. Structurer un écosystème de financement ambitieux

  • Créer un fonds d’investissement national dédié au jeu vidéo, avec une logique de guichet unique, plus rapide, plus transparent.
  • Renforcer les liaisons entre public et privé : faire collaborer les studios, les écoles et les pouvoirs publics autour de projets communs.
  • Faciliter l’accès aux fonds européens et asiatiques, notamment en appuyant des ponts commerciaux avec la Chine.

2. Réformer en profondeur la formation

  • Réduire le nombre d’écoles non qualifiées et concentrer les moyens sur des établissements réellement connectés à l’industrie.
  • Rendre obligatoire l’audit indépendant des cursus pour garantir une adéquation entre formation et besoins du marché.
  • Mettre en place des quotas de stage et d’embauche réelle, et conditionner les aides à l’insertion professionnelle.

3. Investir dans l’innovation et l’IA

  • Créer des pôles technologiques pour le jeu vidéo, avec financement R&D dédié (comme en Chine avec Meshy.ai ou miHoYo Lab).
  • Encourager la création d’outils technologiques made in France, y compris des moteurs de jeu ou des outils d’animation assistée par IA.

4. Rénover la stratégie internationale

  • Réorienter les ambitions d’export vers l’Asie, et en particulier la Chine, qui devient une véritable passerelle de croissance.
  • Valoriser les salons internationaux comme ChinaJoy, et développer une présence institutionnelle française renforcée à ces événements.
  • Multiplier les accords bilatéraux entre studios français et chinois pour co-produire, distribuer ou financer.

En résumé, la France a encore les cerveaux, la culture, les artistes et la créativité. Il lui manque l’organisation, les moyens, et la vision à long terme. La Chine, elle, avance vite — et elle pourrait bien entraîner avec elle les talents français… à l’étranger.

 


En quelques mots

La comparaison entre la France et la Chine dans le domaine du jeu vidéo en 2025 met en lumière deux trajectoires opposées. D’un côté, la Chine, portée par une volonté politique affirmée, des investissements colossaux, des structures éducatives efficaces et une adoption agressive des technologies de pointe. De l’autre, la France, toujours riche en talents et en créativité, mais freinée par des structures désuètes, un écosystème sous-financé et un marché intérieur en perte d’influence.

Le succès de Black Myth: Wukong a agi comme un électrochoc pour la Chine, déclenchant une mobilisation nationale pour faire du jeu vidéo une industrie stratégique. La France, elle, a connu une réussite isolée avec Clair Obscur: Expedition 33, preuve que le potentiel existe, mais que le cadre pour le développer fait défaut.

Ce n’est pas une fatalité. La France peut rebondir, à condition de repenser son approche en profondeur : réformer l’enseignement, simplifier l’accès au financement, investir dans l’innovation et s’ouvrir davantage aux opportunités internationales, notamment en Asie. Il est encore temps d’agir — mais le temps presse.

“On a toujours su faire de bons jeux en France. Ce qu’il nous manque aujourd’hui, c’est une industrie digne de nos ambitions.” 

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