
Kaya’s Prophecy n’est pas simplement un jeu de cartes. C’est un subtil mélange de construction de village, deck-building stratégique et gestion divine, le tout dans une ambiance où chaque décision peut avoir des répercussions majeures. Développé par Jérémie & Thibaut et édité par Yogscast Games, ce titre indépendant est disponible sur Steam depuis le 10 avril 2025. Loin des titres AAA, ce jeu compact (seulement 1 Go à télécharger) tourne facilement même sur des machines modestes, et pourtant, il offre une richesse de gameplay inattendue.
Ce test repose sur mon expérience personnelle, après plusieurs heures passées à bâtir un village, nourrir un dieu affamé (et colérique), et repousser les menaces d’un monde mystérieux. Ce n’est pas juste un jeu, c’est un défi intelligent et parfois cruel, où chaque carte piochée est une opportunité… ou un risque.
Kaya’s Prophecy évoque immédiatement Stacklands dans sa forme, mais y ajoute une véritable narration, une tension divine omniprésente, et une profondeur stratégique qui transforme chaque session en aventure inédite. Si vous aimez réfléchir, optimiser, expérimenter — et que l’idée d’être à la merci d’une entité céleste capricieuse ne vous effraie pas — alors ce jeu pourrait bien vous captiver autant que moi.
Une introduction scénarisée immersive
Le voyage initiatique de Koa
Dès le lancement, Kaya’s Prophecy nous plonge dans une courte séquence narrative qui pose les bases de l'univers. On y incarne Koa, chef d’un village en devenir, marchant dans les pas des anciens. Son périple commence par une série d’affrontements au tour par tour, presque comme une initiation spirituelle et stratégique. Chaque victoire contre les premiers ennemis donne accès à une nouvelle carte — un avant-goût du cœur du gameplay. Ce prologue fonctionne comme un prétexte malin pour introduire les mécaniques de base tout en instaurant une ambiance mystérieuse et mystique.

Le nom de Kâlades, le dieu tout-puissant (et légèrement psychopathe), est murmuré dans les légendes des anciens. Rapidement, il devient une réalité oppressante qui conditionne vos moindres choix. Cette présence divine permanente donne au jeu une tension unique, entre fascination et crainte, tout en motivant notre progression.

Un tutoriel bien rythmé et utile
Une fois le prologue terminé, on accède au plateau de village, où s’ouvre un tutoriel complet mais jamais lourd. On y découvre le système de boosters de cartes, les ressources de base (comme les bananes ou les bouts de bois), et la notion de temps qui défile — sauf si vous activez la pause, outil indispensable pour les stratèges.
Le jeu prend soin d’introduire la monnaie "evil blood", obtenue via le recyclage de cartes, et la gestion du jour/nuit qui rythme les actions. Tout est expliqué avec clarté, via des quêtes didactiques qui tracent une ligne directrice sans brider votre liberté. On apprécie aussi la possibilité de zoomer ou dézoomer — un vrai confort visuel dans ce type de jeu où les cartes peuvent vite envahir l’écran.

Bref, ce démarrage progressif et immersif pose les fondations d’un jeu qui prend son temps, mais ne perd jamais le vôtre.
Un gameplay original mêlant cartes et stratégie
Système de cartes et boosters: construire pour mieux survivre
Le cœur du gameplay de Kaya’s Prophecy repose sur la gestion des cartes. On commence par ouvrir des boosters, un peu comme dans un jeu de cartes à collectionner, pour obtenir des éléments de base: ressources, outils, cartes de récolte. Ces cartes sont ensuite placées sur le plateau, chaque placement représentant une action, une structure, ou un villageois.

Mais attention, le jeu limite le nombre de cartes via un système de points de croissance. Chaque carte en ajoute un, et au-delà de certains paliers, il faudra donner plus de nourriture à la fin de chaque journée pour satisfaire le dieu Kâlades. Cela crée une pression constante sur vos choix: faut-il construire davantage ou rester sobre pour éviter une famine divine ? D’autant plus que certains éléments, comme les cartes de monnaie ou les boosters non ouverts, ne comptent pas dans ce calcul, ce qui ouvre la porte à quelques optimisations bienvenues.
Le système est malin: chaque décision de construction est aussi une décision de survie.
Gestion du temps: pause, réflexion, efficacité
Dans un jeu où le temps passe continuellement, pouvoir mettre le jeu en pause est une bénédiction. Très tôt, on comprend que cette fonctionnalité est essentielle pour ne pas se faire déborder, surtout quand les cartes s’accumulent et que les demandes du dieu deviennent de plus en plus exigeantes. En mode pause, on peut réfléchir à sa stratégie, organiser ses cartes, planifier les futures constructions… sans pression.
Et quand on est confiant, on peut reprendre à vitesse normale ou même accélérer le temps, une fonctionnalité très pratique une fois que votre routine est bien en place. Ce contrôle du temps fait toute la différence, surtout dans les phases avancées où la micro-gestion est omniprésente.
Ce système de tempo rend Kaya’s Prophecy à la fois nerveux et cérébral. Un paradoxe qui fonctionne à merveille.
Kâlades: une divinité affamée au cœur de la mécanique
Satisfaire le dieu ou en subir la colère
Kâlades n’est pas qu’un simple personnage de fond, c’est le pivot de toute votre stratégie. Chaque jour qui passe exige que vous lui fournissiez une quantité de nourriture bien précise — déterminée par le nombre de cartes actives et le nombre de villageois sur votre plateau. Sa jauge de satisfaction, constamment visible en bas à gauche de l’écran, devient alors un indicateur vital à surveiller.

Et ce dieu ne plaisante pas: oubliez une offrande et il entre en fureur. Résultat ? Une carte malus immédiatement ajoutée à votre plateau. Elle peut inverser vos cartes (ce qui les rend inactives tant que vous ne les redressez pas), blesser vos villageois ou même déclencher des événements naturels destructeurs. C’est brutal, mais terriblement efficace pour rappeler qu’on ne joue pas à la légère avec les entités divines.
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Il arrive aussi que Kâlades demande une carte spéciale en plus de sa ration habituelle. Vous avez un délai pour la lui offrir, sinon… tempête sur le village ou pire. Cette dynamique introduit un stress constant mais stimulant, car elle vous pousse à prévoir l’imprévisible.
Les récompenses divines: vision et pouvoir
Heureusement, Kâlades sait aussi se montrer généreux. Satisfaire ses demandes vous donne accès à des récompenses puissantes: des cartes “Vision” qui débloquent de nouveaux plans de construction, des cartes de ressources rares, voire des bonus pour vos personnages (comme des augmentations de points de vie ou des boosts passifs).
Ce système de récompense-punition fonctionne comme un levier de motivation. Il pousse à optimiser vos récoltes, à planifier vos tours, à gérer votre plateau comme un puzzle vivant.
En résumé, Kâlades est le véritable maître du jeu: il donne le rythme, crée la pression, mais aussi les opportunités. Il ne suffit pas de construire un village. Il faut aussi apprendre à vivre sous le regard d’un dieu aussi lunatique que stratégique.
Exploration et combats: roguelike et décisions cruciales
Cartes d'exploration, danger et opportunités
Quand la vie au village devient trop calme, Kaya’s Prophecy vous invite à quitter temporairement le plateau pour partir en expédition. Ces phases d’exploration sont totalement distinctes du cycle du jour: le temps s’arrête, et vous pouvez vous concentrer sur vos choix de progression, vos combats et vos loots sans pression.
L’exploration se fait par étapes successives, chacune représentée par une carte spécifique: la jungle, les ruines, le marais, ou encore le volcan. Chaque zone offre des récompenses différentes et une difficulté croissante. Et bonne nouvelle: vous pouvez arrêter l’exploration à tout moment pour conserver vos ressources et vos points de vie restants — un excellent compromis entre prise de risque et prudence.

Au fil du chemin, on croise parfois des boutiques, où l’on peut échanger la monnaie spéciale, les pièces casoar, contre des potions ou des cartes exclusives. Il y a aussi des coffres, des zones calmes sans combat, bref, une vraie variété qui donne de la profondeur à cette boucle roguelike.

Système de combat au tour par tour
Les ennemis croisés en exploration (ou en combat de plateau) sont gérés via un système de tour par tour classique mais efficace, entièrement basé sur les cartes de combat de votre deck. Chaque personnage peut équiper une arme, une armure et un accessoire, influant sur ses statistiques et sur les cartes qu’il peut jouer. Vous pouvez aussi activer jusqu’à trois artefacts, ajoutant encore plus de variables tactiques.

Le combat consiste à choisir les bonnes cartes de dégâts et de défense, parfois avec des effets supplémentaires (poison, blocage, etc.). Après chaque victoire, vous gagnez souvent une nouvelle carte à ajouter à votre deck, ce qui renforce cette sensation de progression personnalisée.
On retrouve ici une ambiance très proche d’un Slay the Spire, mais avec une connexion narrative et mécanique au village qui donne plus de poids à chaque victoire ou défaite.
En bref, l’exploration est un deuxième jeu dans le jeu, une bulle stratégique qui brise le rythme du village sans jamais le parasiter. C’est un ajout réussi et indispensable à l’équilibre global du gameplay.
Interface et ergonomie: un plateau clair et personnalisable
Plans, zoom et gestion des cartes sur le plateau
Kaya’s Prophecy impressionne aussi par la clarté de son interface, essentielle dans un jeu où l’on jongle avec des dizaines de cartes à l’écran. Le plateau peut vite devenir chargé, mais plusieurs outils viennent faciliter la lecture: le zoom/dézoom à volonté, d’abord, est un petit détail qui change tout. Pouvoir s’éloigner pour avoir une vue d’ensemble, ou se rapprocher pour organiser précisément ses ressources, rend le jeu à la fois plus lisible et plus agréable.
Un autre point fort: le système de plans de construction. À tout moment, vous pouvez cliquer sur un plan, qui s’affichera en surimpression à l’écran. Cela permet de garder en mémoire les ressources nécessaires à une structure pendant que vous manipulez vos cartes. Et si jamais cet encart vous gêne ? Aucun souci, il est désactivable et réactivable à volonté, une petite touche d’ergonomie bienvenue.
Ces choix d’interface montrent une vraie volonté d’accompagner le joueur, surtout dans les phases complexes où la micro-gestion devient intense.
Menus de personnage, équipements et deck de combat
Le menu de personnage est clairement segmenté: on y trouve d’un côté le deck de combat (utilisé dans les affrontements), et de l’autre les onglets pour les équipements (armes, armures, accessoires), les effets actifs et les artefacts de combat. Le tout est organisé de manière intuitive, même si le nombre d’informations peut être dense au début.
Chaque amélioration (comme une arme ou un objet passif) a un impact réel sur les statistiques et la stratégie à adopter en combat. Cela donne envie de tester différentes combinaisons et de construire un personnage vraiment adapté à votre style de jeu.
La gestion des cartes nuisibles (les ennemis sur le plateau) est également bien pensée: elles prennent de la place, augmentent artificiellement votre charge de croissance, et doivent être combattues pour éviter de pénaliser votre offrande journalière. Encore un exemple de l’intelligence systémique du jeu, où tout est connecté.
Au final, Kaya’s Prophecy parvient à rester lisible, maniable, et personnalisable, même dans les situations les plus complexes. Un tour de force pour un jeu indépendant de cette ambition.
Une ambiance graphique et sonore qui fait mouche
Design charmant, animations lisibles
Dès les premières minutes, Kaya’s Prophecy séduit par son style visuel chaleureux et expressif. Les cartes ont un design simple mais efficace, avec des illustrations lisibles qui permettent d’identifier immédiatement leur fonction. Le plateau est clair, les effets visuels sont sobres mais impactants, et les animations fluides rendent l’ensemble très agréable à l’œil.
Chaque environnement exploré – jungle, ruines, marais, volcan – possède sa propre palette visuelle, ce qui évite la monotonie et enrichit l'immersion. Même les malus divins, comme les cartes retournées par une tempête, sont esthétiquement travaillés pour ne pas nuire à la lisibilité.
La direction artistique, bien qu’évidemment modeste comparée à celle d’un AAA, fait preuve d’une cohérence et d’un charme certain, rappelant parfois les traits doux et stylisés d’un livre de contes… avec une touche de tension mystique en prime.
Musique immersive et bien intégrée
Côté audio, c’est une bonne surprise. La bande-son de Kaya’s Prophecy accompagne parfaitement l’ambiance générale du jeu. Elle est douce et apaisante lors de la phase de village, plus rythmée et tendue durant les combats ou les événements surnaturels. Ce travail dynamique sur la musique renforce la sensation de progression et l’intensité dramatique de certaines situations.
Les effets sonores ne sont pas en reste: ouvrir un booster, valider une construction, subir un éclair divin… chaque action est soulignée par un petit son distinctif qui donne du feedback sans jamais agacer. C’est un détail, mais dans un jeu aussi répétitif dans ses mécaniques, cela aide grandement à garder une sensation de fraîcheur.
En somme, l’ambiance graphique et sonore de Kaya’s Prophecy contribue grandement à sa réussite: elle ancre le joueur dans un univers identifiable et plaisant, tout en soutenant la tension et la gestion qui font le sel du gameplay.
Points forts et points à améliorer
✅ Les points positifs
- Fusion brillante de plusieurs genres : un mélange réussi de construction de village, deck-building et gestion divine.
- Une véritable identité visuelle et sonore : graphismes charmants et bande-son parfaitement adaptée.
- Gameplay stratégique et exigeant : chaque décision compte, avec une réelle montée en tension.
- Système de pause et de contrôle du temps très bien pensé pour favoriser la réflexion.
- Exploration en phases roguelike captivante, avec gestion de risque et récompense.
- Interface claire et personnalisable, avec des options utiles comme le zoom ou l'encart de plan de construction.
- Narration intégrée qui donne un vrai sens au gameplay.
❌ Les points à améliorer
- Peu indulgent pour les joueurs novices : la courbe de difficulté peut être raide sans une bonne gestion des cartes dès le départ.
- Interface parfois un peu dense : malgré sa clarté, le nombre d’éléments à gérer peut devenir intimidant en milieu/fin de partie.
- Répétitivité possible à long terme, malgré la variété des cartes et des explorations.
En quelques mots
Kaya’s Prophecy est bien plus qu’un simple jeu de cartes ou un city builder déguisé. C’est une expérience hybride, où chaque carte posée, chaque offrande faite à un dieu capricieux, chaque exploration entreprise, participe à un cycle stratégique grisant et exigeant. Il réussit l’exploit de mêler une boucle de gameplay riche à une narration discrète mais présente, qui donne un vrai sens à vos actions.
Ce qui m’a marqué en y jouant, c’est cette tension permanente entre liberté et contrainte. On peut planifier, optimiser, créer des combos malins avec nos cartes… mais on reste toujours sous le joug de Kâlades. Ce dieu n’est pas juste un gimmick: c’est le moteur du jeu, celui qui récompense l’ingéniosité et punit l’approximation.
Les phases d’exploration, les mécaniques de combat et la gestion fine des ressources renforcent cette impression de maîtriser un écosystème vivant — ou de le voir s’effondrer sous vos yeux si vous perdez le contrôle. Et pourtant, malgré la difficulté croissante, on y revient, encore et encore, poussé par ce goût du défi bien dosé.
À qui s’adresse ce jeu ? À ceux qui aiment réfléchir à chaque tour, qui aiment construire mais aussi détruire pour mieux reconstruire, et surtout à ceux qui veulent un jeu stratégique avec une véritable identité.
Kaya’s Prophecy, c’est un Stacklands avec une âme, un Slay the Spire avec un village à gérer, un jeu qui mérite d’être connu pour sa singularité. Une perle indé pour les amateurs de mécaniques profondes et d’univers marquants.