L'Investment Summit de la Paris Games Week 2024 a permis d’aborder des perspectives inédites pour le secteur du jeu vidéo. Sur la scène “Future of Gaming”, Julien Bares, vice-président de Tencent Games, a exploré le deal flow dans le jeu vidéo depuis 2019, sous la modération de Nicolas Godement. Avec une audience de passionnés et de professionnels, cette conférence a permis d’échanger autour de l’importance stratégique et créative du secteur pour des investisseurs comme Tencent. Nous étions présents pour vous transmettre toutes les informations clés de cet événement enrichissant.
Les Stratégies d’Investissement de Tencent dans le Jeu Vidéo
Deal Flow depuis 2019: quelles opportunités ?
Sous l’impulsion de Julien Bares, Tencent déploie une stratégie visant à identifier des équipes et talents capables de créer les innovations de demain. Comme l’explique Bares, le marché du jeu vidéo se réinvente tous les cinq ans environ, avec des tendances fortes comme les jeux de survie ou le genre battle royale. Dans cette dynamique, Tencent ne se contente pas d’investir financièrement mais agit aussi en tant que partenaire stratégique.
"Nous voulons être sûrs de ne pas rater le prochain train et de soutenir les équipes qui créeront les nouvelles façons de jouer." — Julien Bares, Tencent Games
Soutien Financier et Expertise Technique
Au-delà du financement, Tencent apporte des ressources techniques aux studios indépendants, notamment à travers son programme VentureLab, qui fournit de l'expertise en gameplay, multijoueur et narration. Ce programme a pour but de combler les lacunes des équipes en termes de publishing et de data en leur offrant un accompagnement approfondi et sur mesure.
“Notre rôle n’est pas seulement financier; nous offrons un soutien en expertise pour que chaque studio puisse concrétiser sa vision.” — Julien Bares
Focus sur les Marchés Internationaux: Une Vision de Croissance Globale
Europe: Réservoir de Talents et d’Innovation
L’Europe, et la France en particulier, représentent une priorité pour Tencent grâce à un vivier de talents et une capacité unique à innover en matière de gameplay et de narration. Selon Julien Bares, des studios européens comme Dontnod se distinguent par leur capacité à ancrer une identité forte dans leurs jeux, attirant un public mondial.
"Le talent français dans le design, la programmation et la construction de marques est l’un des meilleurs au monde." — Julien Bares
Les Opportunités de Transmédia: Quand le Jeu Vidéo S’étend au-delà du Gaming
Avec des initiatives comme la série Arcane de Riot Games, Tencent illustre l’importance de l’extension des marques de jeux vidéo vers d’autres médias. Tencent adopte ainsi une approche transmédia pour enrichir l’expérience des joueurs tout en atteignant un nouveau public. Bares souligne que le jeu vidéo, à l’instar de Arcane, est un contenu exportable et un média universel.
L’Ouverture de Tencent: Opportunités Web3 et Relation avec les Partenaires
Bien que le Web3 reste encore en phase d’exploration pour Tencent, l’entreprise reste ouverte aux opportunités de ce secteur et investit déjà dans des technologies annexes, comme l’acquisition d’utilisateurs. Par ailleurs, Tencent favorise une collaboration non interventionniste avec ses partenaires, permettant à ces derniers de garder leur autonomie créative.
"Nous investissons dans des équipes pour leur talent et leur vision, sans imposer notre propre direction." — Julien Bares
En quelques mots
La conférence animée par Julien Bares a permis de mieux comprendre les enjeux financiers et créatifs dans le secteur du jeu vidéo. En favorisant une stratégie d’investissement ouverte et diversifiée, Tencent permet aux studios de créer en toute liberté, tout en leur offrant les moyens de s’internationaliser. À travers des initiatives transmédia et un fort soutien aux talents européens, Tencent continue de consolider sa place de leader mondial en matière de jeu vidéo.
Pour aller plus loin: retrouvez l’intégralité de la conférence
Nicolas Godement:
Pouvez-vous vous présenter ?
Julien Bares:
Je suis un pur produit de l'industrie vidéo française, puisque j'ai commencé chez Ubisoft, où j'ai passé quelques années. Je suis ensuite parti aux États-Unis. Et depuis 2020, je suis chez Tencent, où je m'occupe du développement des produits dans tout ce qui est international, du mobile et du développement des produits. Et à ce titre, j'ai aussi fait un peu d'investissement et de post-investissement, j'en fais de moins en moins, mais je reste un acteur à l'intérieur de Tencent. Je regarde le marché français, je connais pas mal de gens dans la salle. On est toujours à la recherche de ce qui se passe et de comprendre ce qui se passe sur le territoire.
Nicolas Godement:
Super, merci. Du coup, qu'est-ce que tu peux dire sur Tencent ? Je pense que beaucoup de gens peuvent connaître Tencent, mais si on voulait présenter globalement le groupe.
Julien Bares:
On va faire un petit moment d'ego, mais Tencent, c'est probablement la plus grosse boîte de jeux vidéo du monde. Pour deux raisons. La première, c'est qu'on a des investissements que vous connaissez ou que vous ne connaissez peut-être pas. Il y a RIOT, il y a Supercell, Il y a Epic, il y a ce genre de société. Mais la réalité, c'est qu'en Chine, on est la plus grosse société digitale et que le jeu vidéo représente entre 30 et 40% de notre chiffre d'affaires. En Chine, on a des jeux qui font des milliards et des milliards, le plus connu étant l'Honneur des rois. Plus que ça, c'est que Tencent est une société pour qui le jeu vidéo, c'est le principal business, l'un des principaux business. Donc, chez nous, le jeu n'est pas une activité annexe, c'est vraiment la première activité à tel point que les gens qui ont fondé Tencent, la société a exposé quand ils se sont mis à faire du jeu vidéo. C'est quelque chose qui est très fort dans l'ADN de la société. Ce qui est vraiment marquant, c'est qu'on n'a pas de recette pour le jeu vidéo. C'est-à-dire qu'il y a une croyance chez tout le monde qui est que le succès se présente sur plein de plateformes, dans plein de pays, et qu'il y a une sorte d'ouverture aux différents un modèle de constitution de jeux, de réussite dans le jeu vidéo qui en fait une société très curieuse et très ouverte.
Nicolas Godement:
Super. Justement, pour rebondir là-dessus, comment tu décrirais votre stratégie d'investissement quand tu as parlé d'investissement dans des sociétés françaises ou autres.
Julien Bares:
Nous, notre stratégie, elle est assez classique. Il n'y a rien de révolutionnaire là-dedans, mais nous, on est à la recherche de talents. On est à la recherche d'équipes et de talents qui sont capables d'innover et on a une conviction qui est prouvée, c'est que le marché change tous les quatre, cinq ans. Il y a des nouveaux types de jeux qui arrivent, il y a des nouvelles plateformes qui arrivent, il y a des nouvelles expressions qui arrivent. Je vais prendre deux exemples très flagrants. Il y a eu une vague de battle royale qui est encore très grosse. Il y a des jeux qui sont là-dedans. Il y a des tendances, par exemple, dans tout ce qui est, on appelle nous, le survival, tous les jeux où on construit, on survit dans un environnement. On pense qu'il y a des tendances qui vont continuer à apparaître et on a cette curiosité et cette ouverture. On pense que le jeu vidéo est en train de continuer à grossir et qu'il y aura forcément des nouvelles façons de jouer qui vont apparaître. On pense que ces innovations ne viendront pas forcément des grands groupes comme le nôtre, mais viendront des équipes qui sont un peu plus agiles, qui sont un peu plus curieuses, qui ont envie de changer les choses, qui ont envie de proposer des nouveaux gameplay, des nouvelles expériences.
Donc, notre stratégie d'investissement répond à ça: on veut être sûr de ne pas rater le prochain train, c'est très simple, et on veut être sûr d'investir dans les équipes qui vont être capables, justement, de proposer ces innovations et ces révolutions.
Nicolas Godement:
Super intéressant. J'imagine que pour une société qui soit lève des fonds auprès de Tencent, soit peut-être même se fait acquérir, évidemment, il y a un aspect financier, mais en fait, il n'y a pas que ça. C'est-à-dire que quand on s’adosse à un groupe, au premier groupe mondial de jeux vidéo, il y a évidemment un intérêt industriel à ça. C'est ça ma question: comment vous soutenez les sociétés que vous accompagnez ?
Julien Bares:
On les soutient de plusieurs façons. La première chose, c'est qu'il y a quand même un aspect financier et que Tencent essaye de... On comprend très bien que le jeu vidéo, c'est une industrie qui a besoin de cash, qui a besoin de mettre les choses en place, que c'est des cycles longs, que c'est très bien de pouvoir faire un prototype, mais qu'il faut aussi être capable d'aller jusqu'au bout, il faut être capable de publier. Donc, il y a ça, c'est la première chose. La deuxième chose, c'est qu'on essaye de plus en plus d'avoir des équipes qui sont du suivi. On a un peu changé notre approche, on dirait 2020, 2021, et moi, j'ai participé à ce changement en se disant: Quelqu'un qui monte une société pour faire un jeu, il y a des domaines dans lesquels il est extrêmement fort: le gameplay, la programmation, l'animation, le graphisme, ect…, mais il y a aussi plein de domaines dans lesquels il n'est pas forcément fort et ce n'est pas ce qu'on leur demande. Tout le monde n'est pas un publisher, tout le monde n'est pas un spécialiste de l'acquisition d'utilisateurs Il y a plein de domaines dans lesquels on peut aider.
Il y a aussi beaucoup de domaines dans lesquels nous, on a des gens très expérimentés qui ont fait beaucoup de jeux, qui ont été dans beaucoup de sociétés, qu'on envoie en mode: Ils passent une semaine avec les équipes pour les aider... En fait, c'est de l'expertise l'expertise gratuite qu'on donne aux studios pour qu'ils puissent se payer ce genre d'expertise et ce genre de professionnels qui ont vu beaucoup plus de choses, qui ont fait plus de jeux et pour justement gagner en expérience. La dernière chose qui est très importante, c'est comme on est une boite mondiale et qu'on est très fort en Asie, on essaye aussi de donner accès à ces marchés-là. La Chine, vous savez peut-être, n'a pas donné beaucoup de numéros de publishing pendant quelque temps, mais c'est quelque chose qui a changé depuis 18 mois. On a des partenaires pour qui la Chine, et je parle spécifiquement spécifiquement de boîtes françaises. Si vous regardez dans Steam, la Chine est souvent le 2 ou troisième territoire pour tous les jeux. Il y a eu des succès récents. On parlait de Space Marine 2. Il y a beaucoup de joueurs chinoises sur Space Marine 2. Quand la Chine elle-même est le deuxième territoire ou troisième territoire d'un jeu, quel que soit... On a parlé de Dead Cells tout à l'heure, tu parlais de Dead Cells. Dead Cells, c'est un jeu qui est extrêmement populaire en Chine. Pour une société française d'avoir accès à ces revenus-là, c'est fondamental. Nous, c'est là-dessus qu'on travaille aussi. Par exemple, je cherche un exemple flagrant. Nous, on travaille avec une société qui s'appelle Techland et qui a multiplié par trois ses revenus en Chine. C'est quelque chose qui est important pour nous aussi.
Nicolas Godement:
Sur ton deuxième point, je vais appeler ça l'accompagnement à la production et au publishing, est-ce que tu peux nous donner des exemples, soit en les nommant, soit sans les nommer, mais de choses intéressantes que vous avez pu faire pour débloquer des leviers des verrous.
Julien Bares:
Bien sûr. On a une équipe qui s'appelle... Le nom s'appelle VentureLab. C'est une équipe que j'ai contribué à créer, qui maintenant est gérée par un ami et collègue du nom. L'idée, c'est qu'on essaie de donner de l'aide en termes de gameplay, de multijoueurs, de narratifs, de technologies, tout ça. On essaye de bien connaître les sociétés, de bien comprendre le publishing, d'études de marché, d'accès à la donnée. Je vais parler de la donnée dans une minute. On essaye de donner ça aux studios. Ils choisissent un peu, c'est comme une sorte de buffet, et ils se disent: Là-dessus, je me sens un peu faible, ou là-dessus, j'aimerais bien avoir de l'aide. On envoie des équipes qui restent une semaine, deux semaines, trois semaines, et qui aident les gens à progresser. On a aussi quelque chose dont je n'ai pas parlé, c'est que nous, quand on a un écosystème qui est très large et qu'on travaille avec beaucoup de sociétés, on a accès à des données sur les marchés et à des données sur les tendances de jeu, etc. Je parlais avec une société parisienne il n'y a pas longtemps de 12 personnes et ils ont une méconnaissance du marché. On n'a pas encore investi, on est juste en discussion, c'est dans les premiers contacts. On leur a donné des données sur le marché qui ont un peu changé leur façon de voir les choses. C'est bien d'être informé, c'est bien de savoir où est-ce qu'ils ont un marché potentiel, etc. Par exemple, ils pensaient que le Japon allait être un pays fantastique pour eux et on leur a démontré que c'était peut-être un peu plus compliqué que ce qu'ils croyaient, qu'il y avait un coup à aller au Japon et que peut-être, il fallait se concentrer sur d'autres marchés. Ils sont en pleine réflexion. Nous, on fait ça un peu avec les gens avec qui on est en discussion et énormément avec les gens avec lesquels on a investi.
Nicolas Godement:
Super intéressant. Tiens, justement, quand on parle de marché, qu'est-ce que tu aurais envie de dire sur déjà l'écosystème européen du gaming ?
Julien Bares:
Nous, l'Europe, c'est une priorité pour plusieurs raisons, mais d'abord parce que l'Europe, en général, la France en particulier, c'est un réservoir de talents et de gens qui ont une capacité à faire des jeux et à innover. Il y a des grosses sociétés, il y a des gros studios un peu partout. On a beaucoup de partenariats et on est en général assez content. L'autre chose en Europe, c'est qu'il y a une capacité... On parlait de cette innovation, on parlait de cette idée de trouver des nouvelles façons de jouer, d'avoir des choses peut-être plus communautaires, etc. C'est des tendances qu'on voit souvent en Europe. On va parler des jeux de survie. Les jeux de survie, c'est quelque chose qui est essentiellement européen, c'est quelque chose qui est en train d'exploser en Chine. Il y a des Anglais, il y a Rus, il y a des gens comme ça. C'est des choses, nous, sur lesquelles on est très en fait. En France, vraiment, ce qui nous a toujours passionné, c'est le talent. C'est-à-dire que je crois que les interlocuteurs en avaient parlé, il y a une formation qui est excellente. Je ne sais pas si les Français s'en rendent compte, mais que ça soit une formation sur le graphisme, sur la programmation, sur le design, mais aussi sur les producteurs, etc. Et puis, il y a des gens qui sont capables de construire des marques et des images. Je crois qu'on parlait de ça sur le Japon tout à l'heure, mais on est dans un marché qui est mondialisé et le plus difficile, c'est d'exister, c'est d'avoir une identité qui est propre et qui résonne pour les gens. Je vais prendre l'exemple de Don't Node avec qui on est partenaire. Don't Node, ils ont des identités très fortes. Ils ont cette capacité à créer des univers qui parlent au monde entier. Je pense que ça, c'est une vraie spécificité française pour nous, cette capacité à ancrer un univers, une histoire, un gameplay dans un univers de marque qui est très fort et de le développer.
Nicolas Godement:
Vous avez parlé avec les panélistes précédents du fait que ce qui est génial dans le jeu vidéo, c'est que c'est peut-être le produit le plus engageant au monde et que les intérêts économiques et les intérêts créatifs sont alignés. J'ai l'impression qu'en fait, ce qui va driver un peu aussi la thèse de Tencent, c'est que oui, bien sûr, il y a des facteurs économiques, vous allez vouloir des KPI, mais que vraiment, la dimension créative, l'intérêt de: Est-ce que juste le jeu est fun ? Est-ce qu'on se projette sur une marque, c'est très important pour vous, non ?
Julien Bares:
Oui, et en plus, nous, on est persuadé que Si le jeu est créatif, s'il y a du fun, etc, nous, on peut aider à grandir l'audience, on peut aider à accélérer le développement, mais il y a quelque chose qu'on ne saura jamais faire, c'est qu'on n'aura pas cette étincelle de créativité, cette envie de cinq, six mecs, mecs et filles ensemble, de créer quelque chose. L'autre truc, l'autre chose, c'est que pour moi, le jeu vidéo, c'est vraiment une des rares industries qui est vraiment transfrontière, c'est-à-dire qu'un jeu qui marche en France, il peut marcher en Chine, il peut marcher en Amérique du Sud, etc. La seule différence, c'est souvent sur les équipements, c'est-à-dire est-ce qu'il y a des PS5, est-ce qu'il n’y en a pas ? Est-ce qu'il y a des PC de hauts niveaux, est-ce qu'il y en a pas ? Sur le mobile, les mobiles européens et chinois sont de gros spec, les mobiles en Amérique du Sud, en Asie du Sud, il y en a moins. Ça, ça fait des différences. Mais sur les jeux, un jeu qui marche quelque part, il va marcher ailleurs. Quand vous regardez à quoi jouent les Chinois, ils jouent à des choses pas différentes de ce que jouent les Français.
On a vu aussi l'inverse se passer avec Wukong, qui a fait des ventes, qui est un jeu très chinois, avec une mythologie très chinoise et qui pourtant a généré des ventes hors de chez qui ne se sont jamais vues.
Nicolas Godement:
Super. Est-ce que tu peux nous partager une scène qui est sur cette société vraiment énorme et mystérieuse. Est-ce que tu peux nous partager une ou deux anecdotes, qu'elles soient rigolotes, impressionnantes, émotionnelles ? Ça fait quand même, je crois, 4,5 ans que tu y es. Ça serait hyper intéressant de voir un peu de l'intérieur.
Julien Bares:
Une anecdote. Ahah. Là, tu me prends un peu au dépourvu. Tu me prends au dépourvu, mais ça va venir.
Nicolas Godement:
Dans ce cas-là, ce qu'on peut faire, on peut prendre des questions du public et puis peut-être que pendant ce temps-là, tu peux réfléchir... Est-ce qu'on a des questions dans le public pour Julien ?
Personne du public 1:
Julien, super intéressant. Une question que je me posais, c'est Tencent par la taille de son marché, de ses technologies de jeu. Aujourd'hui, vous êtes partout dans le mobile, dans la console, dans le PC. Aujourd'hui, comment vous vous positionnez sur ces axes-là ? Est-ce que vous avez des tendances de fond entre le mobile et la console ? Est-ce que vous voyez des ponts entre vos IP qui partent de la console vers le mobile, du mobile vers la console ? Ça m'intéresserait d'avoir un peu la vue.
Julien Bares:
En fait, on est assez agnostique. C'est-à-dire que quand je dis qu'on aime le jeu dans toutes ses formes, etc, il n'y a pas une vision qui dit: On préfère ça, ça, etc. Ce qu'on sait, par contre, c'est que nous, on a vu le jeu mobile exploser. C'est comme ça que Tencent est devenu la société qu'elle est. On a une très forte croyance dans le mobile. On pense que le mobile est quand même... Il y a des relais de croissance, etc. Sur le PC-console, c'est une industrie qu'on est en train d'apprendre. Pourquoi ? Parce qu'en Chine on est en train d'apprendre à faire des jeux. On est beaucoup plus humbles dans ce domaine-là. Ce qu'on voit, c'est qu'il y a des types de jeux dans lesquels on est plutôt à l'aise et des types de jeux dans lesquels on est moins à l'aise. Le narratif single player, etc, c'est quelque chose avec lequel on a des sociétés partenaires dans lesquelles on investit qui font ça extrêmement bien. Nous, ce qu'on fait en interne avec nos studios internes, c'est un peu plus compliqué. Mais en fait, on a cette envie d'apprendre et on a cette envie de continuer à se développer un peu partout. Là où Tencent, c'est assez rigolo, c'est une boite qui se considère comme plein de petites boîtes qui travaillent ensemble. Donc, s'il y a une boîte qui a envie de poursuivre une piste qui est le narratif single player et qu'elle le fait bien, Wukong, c'est un investissement, c'est très bien. Si ça marche et s'il y a du succès. S'il y a quelqu'un qui a envie de faire du mobile casual, c'est très bien et c'est pour ça qu'on a ce partenariat avec Vodoo, etc. Donc, en fait, je dirais, il n'y a pas de choix. Après, quand ça commence à marcher, il y a une capacité à se mobiliser derrière un succès qui fait que là, ça devient quelque chose, ça devient presque une cause nationale chez Tencent.
Personne du public 2:
Bonjour, est-ce que vous investissez, vous vous investissez uniquement sur la partie contenu ou aussi sur toute l'infrastructure et tous les sujets annexes en dehors du contenu.
Julien Bares:
Par exemple, la technologie, le publishing, des choses comme ça ?
Personne du public 2:
Oui, effectivement, ou les GPU, les data centers, tout ce qui peut aller autour…
Julien Bares:
On a tendance à être plutôt dans le soft plutôt que dans le hardware. On a quelques initiatives en Chine, mais pour l'instant, on a fait assez peu d'investissement dans le hardware, ce n'est pas très franc. Sur les outils, oui, il nous arrive d'investir. On a fait quelques investissements dans les outils, dans les technologies. Alors, Epic est le plus connu avec Unreal Engine, mais on a fait aussi d'autres investissements sur certains outils. On a une discussion en ce moment pour investir sur un outil, sur un software d'acquisition d'utilisateurs, ce genre de choses. On est toujours ouverts à tout. Et en fait, moi, le message, si je veux parler pour ma paroisse, le message que je veux faire passer, c'est qu'on est incroyablement ouverts et que personne ne perd du temps à venir nous parler. On ne va peut-être pas forcément faire le deal, ça ne sera peut-être pas forcément au bon moment, mais il y a deux choses qui sont importantes. La première, c'est qu'on est très curieux et très intéressé. La deuxième, c'est qu'on est très connectés dans l'écosystème. Donc parfois, et moi, ça m'est encore arrivé il n'y a pas longtemps, on nous a présenter une équipe, ça ne marche pas avec nous, mais on connaît quelqu'un avec qui ça marche.
Et donc on sait qu'ils sont en train de discuter avec cette personne. On a tendance à... Ça, je pense que ça vient des origines chinoises de la société, mais les Chinois fonctionnent en réseau tout le temps. Ils créent des connexions, ils créent des réseaux. Si quelqu'un vient nous voir et que ce n'est pas pour nous, ça ne veut pas dire que ce n'est pas pour quelqu'un d'autre qu'on connaît. On essaye toujours de faire passer ça.
Personne du public 3:
Bonjour et merci. Je m'appelle Oliver Green. J'ai une petite question: pour les développeurs, avec votre travail, c'est un sens, c'est quoi le niveau d'autonomie que vous me donnez en termes de publishing, en termes de développement de jeux ?
Julien Bares:
Ça dépend. Je dirais les sociétés qui nous appartiennent en propres, dans lesquelles on est majoritaire, en général, on fonctionne comme beaucoup d'éditeurs et de développeurs de jeux vidéo, c'est-à-dire qu'on a des mandats, on a des gates, on voit le jeu et on le contrôle, ectc. Là, c'est un accord... Je pense que c'est très classique dans l'industrie. Avec les gens chez qui on investit, on leur laisse beaucoup d'autonomie. Même l'idée, c'est qu'on leur dit jamais quoi faire. On part d'un principe, c'est qu'on a investi dans une équipe et que l'équipe, si on investit chez eux, c'est qu'on amène deux choses: un, l'équipe et deux, ce qu'ils voulaient faire. Après, ça ne nous empêche pas d'entendre, d'aller discuter avec eux, de dire: Est-ce que tu es sûr que c'est ce que tu veux faire ? Il nous est arrivé plein de fois de dire: Est-ce que c'est sûr que c'est ce que vous voulez faire ? Les gens nous ont dit: Oui, faites-le. Nous, on pense que ce n'est pas ce qu'il faut faire, mais faites-le. En fait, on n'est pas du tout interventionniste. Encore pour la même raison. C'est toujours pour cette raison, c'est que je pense qu'on est dans une industrie où la recherche, on ne la trouve pas un jour, un matin, le jeu qui va marcher, etc. On est dans une industrie itérative, il faut essayer des choses, il faut prototyper, il faut revenir, il faut changer, il faut parfois reprendre une idée d'avant. On sait que c'est un processus qui est assez compliqué. On ne veut pas dire aux gens: Ne faites pas ça, parce que c'est peut-être là, justement, ce qu'il fallait faire. Nous, on leur laisse une autonomie complète. À tel point que s'ils veulent aller publier ailleurs, très bien, ils veulent. Parfois, on a des clauses dans les contrats, on dit: Venez nous parler en premier, mais il y a plein d'exemples où les gens sont allés publier ailleurs, ou ils ont décidé de publier eux-mêmes, ou alors ils ont décidé de faire des partenariats avec des sociétés. Je pense que c'est la force de Tencent, c'est d'avoir cette ouverture d'esprit. Parce que sinon, ça veut dire qu'on vient avec beaucoup trop de contraintes. Nous, l'idée, ce n'est pas de donner des contraintes, l'idée, c'est de donner des moyens.
Personne du public 4:
Bonjour, Ewen, Naga Agency. Merci avant tout, Julien, pour ce talk et pour la valeur. J'avais une question, tu parlais d'ouverture d'esprit. Il y a un peu un mot qui revient sur toutes les bouches, qui sort et qui rentre du gaming, c'est le transmédia. C'est quoi un petit peu vis-à-vis de ta position sur le marché ? Peut-être pas omnisciente, mais en tout cas clairvoyante avec toutes les actions que Tencent entreprend. Tu parlais de RIOT avec Arcan, notamment son succès qui était un cas d’école. C'est quoi un petit peu ta position vis-à-vis du transmedia et la vôtre aussi ?
Julien Bares:
Ce n'est pas une position, c'est plutôt un constat parce qu'encore une fois, on s'adapte à l'environnement, mais nous, par expérience, on a beaucoup travaillé en Chine avec des marques, des marques de sport, d'autres marques de jeux, etc. On est très forts dans une chose, mais pour la Chine et pour le mobile, en général, c'est là-dessus qu'on a brillé, c'est prendre des marques, les amener sur mobile, en faire des grands jeux mobiles. On a fait un jeu avec Pokémon qui marche très bien. Ces choses-là, on sait très bien faire, que ce soit des marques de gaming ou des marques d'ailleurs. Maintenant, Pour prendre l'exemple d'Arcan, nous, on est convaincu que le jeu vidéo est un média à part entière et que le contenu peut venir du jeu vidéo. C'est ce qu'on a vu avec Arcan avec la série, mais on a eu toute une réflexion en ce moment pour: Est-ce qu'on peut faire des choses avec nos IP de jeux vidéo qui vont au-delà ? On veut le faire pour deux raisons. La première raison, c'est qu'on pense que tout ce qui fait grandir le marché en général est bon. Par exemple, le succès de Fallout sur Prime ou ce genre de choses, je crois que ça arrive le 11 ou le 12 novembre, Secret Level avec Amazon Prime. Vous verrez, il y a un ou deux jeux à nous. L'idée, c'est qu'on pense que ce qui va marcher dans le futur, c'est de prendre nos marques de jeux vidéo et justement de les amener vers d'autres plutôt que l'inverse. Il faut savoir quelque chose, c'est qu'on a une conviction qui est... Le jeu vidéo, c'est vraiment le contenu qui marche partout. Quand je parlais tout à l'heure de cette absence de frontière régionale, moi, je me promène beaucoup dans le monde entier, il y a quand même beaucoup de choses qui marchent dans tous les pays. On joue à des jeux japonais alors qu'on ne regarde pas beaucoup de cinéma japonais, pour être très franc. On lit des mangas, les mangas, c'est une spécificité française, mais ce que je veux dire, c'est que le jeu vidéo, un jeu qui marche dans un pays, en général, il marche dans plein d'autres pays.
Personne du public 5:
Bonjour, merci. Moi, j'avais une question par rapport à votre positionnement sur le Web3. Est-ce que vous avez des projets en cours ? Quelle est votre vision par rapport à ça ?
Julien Bares:
Là, je vais vous faire une réponse. On n'en a pas beaucoup parce que souvent, les projets de Web3 qu'on nous amène, ce ne sont pas des projets purement de contenu. Je ne sais plus qui m'a fait cette remarque tout à l'heure. Oui, tout à l'heure. C'est vrai que le contenu, c'est quand même notre… c'est là-dessus qu'on est les plus focalisés, mais c'est aussi là-dessus qu'on a beaucoup d'expériences. C'est un mix des deux, c'est-à-dire que sur certains investissements de Web3, on est parfois un peu dérouté, etc. L'autre chose, c'est qu'on essaye toujours d'avoir une vision globale et Il y a beaucoup de projets de Web3 qu'on a vus qui sont souvent un peu régionaux, etc. Cette capacité à grandir et à être un acteur mondial, on peut avoir une Il y a une petite équipe qui a douze personnes, mais parce qu'on pense qu'à terme, peut-être dans 5 ans, peut-être dans 10 ans, ils auront un retentissement mondial. Pour l'instant, Web3, on ne voit pas trop de choses. Il faut aussi savoir que si c'est du Web3 gaming, c'est des choses dans lesquelles nous on est, si c'est du Web3 qui est dans d'autres… Ce n'est plus du tout ça. Quand je disais que Tencent, c'est une succession de boîtes, c'est que, par exemple, on a des verticales différentes. Il y a une verticale finance, il y a une verticale réseaux sociaux et que c'est des gens avec qui on se connaît, on s’aide, mais ce n'est pas les mêmes sociétés.
Personne du public 6:
Merci beaucoup pour les informations. J'ai une question qui revient sur la question précédente, ma question, sur l'intégration de l'industrie et sur la position de Tencent, qui disait, Julien, que c'était 30, 40% du chiffre d'affaires, le jeu vidéo. Du coup, moi, je ne connais pas ce que dit Tencent. Est-ce qu'il y a des investissements dans le film ou le streaming ou dans différentes industries de l'entertainment ? Comment est-ce que c'est intégré au niveau de Tencent ?
Julien Bares:
En vrai, beaucoup moins. Encore une fois, je pense que là où on se sent... En termes de contenu, je parle en termes de contenu. Là où on se sent peut-être plus fort, plus connecté, plus expérimenté, c'est vraiment le jeu vidéo. Quand je dis que c'est une priorité en interne, par exemple, on a une division d'entertainment en Chine et dans l'Asie du Sud-Est, avec des films, avec des choses comme ça. Ça serait l'équivalent d'un Netflix local où on prend du contenu qu'on diffuse, mais nos investissements, par exemple, à la différence d'autres acteurs chinois, on n'investit quasiment plus du tout dans le cinéma, dans les films hollywoodiens, on en a un petit peu arrêté. Les séries, on le fait si on pense que c'est quelque chose qui fait grossir l'audience de nos jeux. Par exemple, Arcan. Je ne sais pas si vous avez vu la série, mais c'est absolument fantastique. Ça, c'est un investissement malin parce que c'est à la fois,ça nous permet de... Pour les gens qui ont joué aux jeux, c'est presque un cadeau pour eux parce que c'est génial, c'est un bonbon. Et pour les gens qui ne connaissent pas les jeux de RIOT, ça leur permet d'avoir une nouvelle fenêtre pour rentrer là-dedans.
Ça, ça fait partie de notre stratégie. Sur faire des films, je ne pense pas que pour l'instant... Ça peut changer, parce qu'on est une boîte qui s'adapte très vite à l'environnement, mais ce n'est pas du tout notre focus. Et principalement sur la France, nous, on essaye de connaître les acteurs du jeu vidéo, on essaye de connaître un peu l'écosystème parce qu'on est toujours en train de regarder ce qui se passe et qu'on reste curieux et attentif, mais on n'a pas la même démarche, on ne fait pas les mêmes efforts dans l'industrie du cinéma, des séries ou de ce genre de choses.
Personne du public 6:
Dans tout ce qui est Web2, puisqu'en Asie, surtout le Japon et la Corée du Sud, il y a une intégration très forte.
Julien Bares:
Ça, on a, mais ce n'est pas nous. Je vais expliquer, parce qu'en Chine, un des gros business, c'est la littérature en ligne. C'est colossal, C'est-à-dire qu'il n'y a quasiment plus de librairie, mais par exemple, la littérature en ligne et puis la littérature en mode tout starter avec les gens qui publient le premier chapitre et puis vous payez le chapitre, c'est quelque chose qui est très fort. En fait, c'est cette division qui s'occupe du Web2, mais on a des ponts parce que, par exemple, ils prennent des jeux vidéo, ils les transforment en webtoon, etc, mais ce n'est pas nous qui faisons ça. En France et en Europe en général, le webtoon, c'est assez faible ou alors c'est entraîné par la piraterie. Nous, on n'a pas envie d'investir dans des industries, on ne veut pas porter le flanc à ça.
Fin de la conférence.