AuthorArticle written by Allan Tylisz
|
Publication date23/01/2025
Logo d'Ubisoft, une entreprise majeure dans le domaine du jeu vidéo, affiché sur un fond sombre texturé rappelant une pierre ou une surface brute. Le logo est constitué d'une spirale stylisée de couleur turquoise, évoquant une empreinte ou un tourbillon, accompagnée du nom "UBISOFT" écrit en lettres majuscules dans une police moderne et épurée, également en turquoise. L'éclairage subtil donne une légère lueur au logo, créant un effet de contraste avec le fond sombre, qui renforce l'aspect visuel et distinctif de la marque.

Depuis sa création en 1986, Ubisoft s'est imposé comme l'un des fleurons de l'industrie vidéoludique française. Avec des franchises emblématiques telles qu'Assassin's Creed, Far Cry, et Rayman, la société a marqué plusieurs générations de joueurs et participé à l'essor du jeu vidéo à l'échelle mondiale. Mais derrière ce succès se cache aujourd'hui une réalité bien plus sombre: Ubisoft est en difficulté, et ce, depuis plusieurs années.

Entre les scandales internes, les projets chaotiques, un essoufflement artistique, et une direction perçue comme déconnectée, l'entreprise peine à se réinventer dans un secteur en constante évolution. Pour comprendre pourquoi l'éditeur se trouve dans une telle impasse, il faut analyser les multiples obstacles qui s'accumulent et examiner les décisions qui ont conduit à cette situation préoccupante.

 

Les scandales internes: une gestion de crise maladroite

Depuis 2020, Ubisoft est secoué par une série de révélations qui ont terni son image auprès du public et de ses propres employés. Ces scandales, liés à des cas de harcèlement sexuel, moral et de management toxique, ont mis en lumière un climat de travail délétère, révélant des problèmes profonds au sein de l’entreprise.

 

Un climat de travail toxique exposé

Tout commence lorsque plusieurs témoignages anonymes, relayés par des enquêtes journalistiques, révèlent des abus commis par des figures clés de l’entreprise. Parmi elles, Serge Hascoët, ancien directeur créatif et numéro deux d’Ubisoft, ainsi que Tommy François, vice-président du service éditorial, sont directement impliqués dans des accusations de harcèlement sexuel et de comportements inappropriés. Michel Ancel, créateur de Rayman et de Beyond Good & Evil, quitte Ubisoft alors qu’il fait lui aussi l’objet d’une enquête interne l’accusant de management toxique.

Ces affaires ont exposé une culture d’entreprise permissive, où les abus étaient parfois ignorés, voire couverts, pour protéger des cadres perçus comme essentiels à la stratégie créative de l’éditeur. L’impact a été dévastateur sur le moral des équipes et a alimenté un exode massif des talents vers d’autres studios.

 

Les réponses d’Ubisoft: promesses et insuffisances

Face à ces révélations, Ubisoft a tenté de limiter les dégâts en se livrant à un exercice de damage control. Plusieurs responsables ont été écartés ou ont démissionné, et des mesures ont été annoncées pour améliorer les conditions de travail, notamment:

  • Création de comités internes pour traiter les plaintes des employés.
  • Engagement à revoir la culture d’entreprise, avec des formations pour prévenir les abus.
  • Recrutement d’un directeur de la diversité et de l’inclusion pour insuffler un changement organisationnel.

Cependant, ces initiatives ont souvent été perçues comme insuffisantes. De nombreux employés ont dénoncé une absence de réformes profondes, affirmant que certains cadres impliqués occupaient toujours des postes influents. En outre, la communication externe maladroite de la direction a aggravé la situation. Yves Guillemot, PDG de l’entreprise, a notamment déclaré que les changements demanderaient du temps, une position jugée trop attentiste par bon nombre de critiques.

Ainsi, au-delà de l'impact immédiat sur la réputation de l’entreprise, ces scandales ont révélé une crise systémique que Ubisoft peine encore à résoudre.

 

Des productions chaotiques et interminables

Les scandales internes ne sont qu’une facette des problèmes rencontrés par Ubisoft. Ces dernières années, l’entreprise a été marquée par une série de projets en développement chaotique, des retards constants, et une perte de contrôle sur certaines productions majeures. Ces échecs reflètent une gestion problématique et contribuent à la frustration des joueurs comme des investisseurs.

 

Des projets retardés et mal maîtrisés

Parmi les exemples les plus emblématiques figure Skull and Bones. Annoncé en 2017, ce jeu de piraterie promettait de capturer l’imaginaire des joueurs avec un gameplay multijoueur centré sur les batailles navales. Pourtant, près de huit ans après son annonce, le jeu n’a toujours pas vu le jour. Les nombreux reports, causés par des changements de direction créative et une vision floue du projet, ont fait de Skull and Bones l’un des symboles de l’incapacité d’Ubisoft à finaliser ses productions.

Un autre exemple frappant est celui de Beyond Good & Evil 2. Dévoilé initialement en 2008, ce projet est devenu la plus grande arlésienne de l’histoire du jeu vidéo. L'absence de mises à jour concrètes sur l’état du développement, combinée au départ de Michel Ancel en 2020, a fait naître des doutes quant à la faisabilité même du jeu. Les joueurs, autrefois enthousiastes, ont progressivement perdu espoir.

L’affaire du remake de Prince of Persia: Les Sables du Temps est tout aussi révélatrice. Annoncé en 2020, le jeu a été accueilli par un tollé: les premières images dévoilées étaient jugées visuellement dépassées, très en dessous des standards actuels. Après des critiques virulentes, Ubisoft a confié le projet à d’autres studios. Résultat: le remake, initialement prévu pour 2021, ne verra finalement le jour qu’en 2026, selon les dernières estimations.

 

Une stratégie de développement trop ambitieuse ?

Ces échecs s'expliquent en partie par une gestion interne problématique. Ubisoft, en quête de grandeur, cherche souvent à produire des titres ambitieux en s’appuyant sur des équipes réparties dans le monde entier. Cependant, cette structure décentralisée complique la coordination et entraîne des retards.

Un autre problème récurrent est la dépendance excessive aux mondes ouverts, un format certes populaire mais qui exige des ressources colossales. Plutôt que de créer des environnements immersifs et vivants, Ubisoft tombe régulièrement dans le piège des mondes vides, remplis de collectibles sans intérêt et de quêtes répétitives. Cette approche, bien que rentable à court terme, contribue à une lassitude des joueurs.

Ainsi, les productions chaotiques d’Ubisoft témoignent d’un manque de vision claire et d’une incapacité à adapter sa stratégie à un marché de plus en plus compétitif.

 

Un essoufflement créatif inquiétant

Au fil des années, Ubisoft s’est forgé une identité en lançant des franchises mémorables, mais cette dynamique semble s’être épuisée. Entre des formules répétitives, des licences mal exploitées, et une difficulté à prendre des risques créatifs, l’éditeur semble pris dans une spirale de stagnation qui nuit à son image auprès des joueurs.

 

Une formule qui lasse les joueurs

Far Cry, Assassin’s Creed, et d’autres titres phares d’Ubisoft reposent sur une formule désormais bien connue: des mondes ouverts gigantesques, des missions secondaires à foison, et une multitude de collectibles. Si cette recette a longtemps fonctionné, elle montre aujourd’hui ses limites.

Les joueurs reprochent notamment à Ubisoft de privilégier la quantité au détriment de la qualité, avec des environnements souvent jugés trop vides ou artificiels. De plus, les titres de l’éditeur s’appuient sur des mécaniques de jeu très dirigistes, qui limitent l’exploration naturelle. Cette répétition constante des mêmes schémas a créé une forme de lassitude, même parmi les fans les plus fidèles.

Comme l’explique un joueur déçu:

"Les jeux Ubisoft, ce sont de magnifiques mondes que l’on parcourt uniquement pour cocher des cases sur une liste interminable d’objectifs."

 

L'incapacité à capitaliser sur d’anciennes licences

En parallèle, Ubisoft peine à ressusciter certaines de ses licences les plus appréciées. Splinter Cell, par exemple, est absent depuis plus d’une décennie, malgré une demande persistante des fans. De son côté, Rayman, autrefois l’une des mascottes de l’éditeur, ne fait plus parler de lui que pour un hypothétique remake en cours de développement.

Même les nouvelles licences, censées renouveler le catalogue de l’éditeur, peinent à s’imposer. C’est le cas de Star Wars Outlaws et Avatar: Frontiers of Pandora, qui, malgré l’utilisation de grandes licences, n’ont pas généré l’engouement attendu. Ces échecs mettent en lumière une incapacité à répondre aux attentes des joueurs, souvent dues à des choix de design maladroits. Une fois encore, la dépendance aux mondes ouverts joue contre Ubisoft, ces titres étant critiqués pour leur manque de vie et d’innovation.

 

Une lumière au bout du tunnel ?

Malgré tout, Ubisoft montre parfois des signes encourageants. Le récent Prince of Persia: The Lost Crown a surpris les joueurs en revenant aux sources avec un platformer 2.5D bien conçu, mêlant nostalgie et modernité. Ce type de projet, moins ambitieux sur le plan technique mais plus soigné dans son exécution, rappelle que l’éditeur peut encore surprendre et séduire.

Cependant, ces succès isolés ne suffisent pas à inverser la tendance globale. Pour redonner vie à son catalogue, Ubisoft devra réévaluer sa stratégie et renouer avec une créativité plus audacieuse.

 

Une direction et une stratégie en décalage

Si les scandales et les productions chaotiques ont contribué à affaiblir Ubisoft, un autre facteur clé de ses difficultés réside dans la direction de l’entreprise, incarnée depuis ses débuts par Yves Guillemot. Le leadership du PDG est aujourd’hui de plus en plus remis en question, notamment en raison de choix stratégiques jugés déconnectés des attentes du marché et des joueurs.

 

Yves Guillemot: un leadership contesté

Yves Guillemot a sans aucun doute joué un rôle déterminant dans la montée en puissance d’Ubisoft, en faisant de l’entreprise un acteur majeur du jeu vidéo mondial. Cependant, les dernières années ont mis en évidence une vision stratégique qui ne semble plus adaptée aux défis modernes de l’industrie.

Les critiques pointent du doigt une gestion centralisée où la prise de décision reste concentrée entre les mains d’un petit cercle de dirigeants, réduisant la capacité de l’entreprise à s’adapter rapidement. Guillemot lui-même, dans plusieurs déclarations publiques, a laissé entendre qu’il était peu enclin à passer la main, malgré des appels croissants en faveur d’un renouveau au sommet de la hiérarchie.

Cette résistance au changement a créé une fracture entre la direction et les équipes, qui peinent à obtenir l’autonomie nécessaire pour innover. Elle reflète également une difficulté à intégrer les nouvelles tendances de l’industrie, comme les jeux indépendants, les expériences narratives ambitieuses, ou encore l’engagement envers des valeurs sociales importantes pour les joueurs modernes.

 

La pression financière et les rumeurs de rachat

Outre les problématiques internes, Ubisoft est également confronté à une pression croissante sur le plan financier. Sa performance boursière a été en déclin constant, atteignant des niveaux alarmants ces derniers mois. Les résultats en demi-teinte de jeux récents, combinés à une perte de confiance des investisseurs, ont alimenté des rumeurs persistantes de privatisation.

Parmi les entreprises intéressées, le géant chinois Tencent se démarque. Déjà actionnaire minoritaire d’Ubisoft, Tencent aurait manifesté son intérêt pour un éventuel rachat. Une telle acquisition pourrait garantir un soutien financier à long terme, mais elle poserait également des questions sur l’avenir de l’identité française de l’entreprise et sa capacité à opérer de manière indépendante.

En parallèle, la concurrence avec des mastodontes comme Activision Blizzard ou Electronic Arts accentue la pression sur Ubisoft, qui semble parfois pris au piège entre des licences vieillissantes et une difficulté à se positionner sur des segments porteurs comme les jeux-services ou les expériences narratives profondes.

 


En quelques mots

Ubisoft, autrefois fleuron incontesté de l’industrie vidéoludique, traverse une période de crise sans précédent. Entre les scandales internes ayant terni son image, des projets chaotiques qui peinent à se concrétiser, un essoufflement créatif qui lasse les joueurs, et une direction perçue comme déconnectée, l’entreprise semble accumuler les obstacles.

Pourtant, tout n’est pas perdu. Des titres comme Prince of Persia: The Lost Crown montrent que l’éditeur est encore capable de surprendre et de séduire lorsqu’il abandonne les formules usées et ose renouer avec une exécution plus soignée. Cependant, ces exceptions ne suffisent pas à masquer les failles structurelles d’Ubisoft.

La solution réside sans doute dans une réinvention profonde. Cela implique non seulement de mieux écouter les attentes des joueurs, mais aussi de renouveler la direction de l’entreprise, afin d’adopter une stratégie plus en phase avec les défis actuels de l’industrie. Le retour à une créativité audacieuse, l’exploitation intelligente des licences historiques, et une meilleure gestion des projets pourraient permettre à Ubisoft de retrouver son lustre d’antan.

Mais le temps presse. Si rien ne change, l’éditeur risque de s’enliser davantage et de perdre définitivement sa place parmi les géants du secteur. L’histoire d’Ubisoft est celle d’un succès français extraordinaire, mais elle pourrait bien se terminer par un chapitre amer, à moins d’un sursaut salvateur.

Share on Facebook Share on Facebook Share on Twitter Share on Twitter Share on Linkedin Share on Linkedin Share on WhatsApp Share on WhatsApp

Similar articles

Dragon Age: The Veilguard - EA explique l'échec par l'absence de modèle jeu service Industry News

05/02/2025

Dragon Age: The Veilguard - EA explique l'échec par l'absence de modèle jeu service

EA attribue l’échec de Dragon Age: The Veilguard à l'absence d'un modèle jeu service, un choix controversé pour les fans.

See more
Onimusha: Way of the Sword dévoile ses premières infos sur le gameplay et l’univers Game Launch

05/02/2025

Onimusha: Way of the Sword dévoile ses premières infos sur le gameplay et l’univers

Découvrez les premières infos sur Onimusha: Way of the Sword, son univers dark fantasy, ses combats dynamiques et sa sortie prévue en 2026.

See more
Monster Hunter Wilds: nouvelles images, gameplay et outil benchmark Trailer

05/02/2025

Monster Hunter Wilds: nouvelles images, gameplay et outil benchmark

Découvrez les nouveautés de Monster Hunter Wilds : gameplay, images inédites, bêta ouverte cross-play et un outil benchmark PC gratuit.

See more