
Larian Studios, bien connu pour ses titres à succès comme Baldur's Gate 3, a de nouveau captivé l’attention du public lors des Game Awards 2025 en annonçant le retour très attendu de la licence Divinity. Mais au-delà de cette révélation explosive, une autre déclaration a suscité une vague de discussions – et même de vives critiques – dans l’univers du jeu vidéo : l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) au sein de ses processus créatifs.
C’est dans une interview accordée à Bloomberg que Swen Vincke, le fondateur et PDG de Larian, a abordé sans détour l’usage de l’IA par ses équipes. Selon lui, ces outils sont exploités pour « explorer des idées, étoffer des présentations PowerPoint, développer des illustrations conceptuelles et rédiger des textes provisoires ». Une utilisation que le studio considère comme un appui créatif et non une substitution au travail humain. Pourtant, cette déclaration, sortie de son contexte par certains, a rapidement embrasé les réseaux sociaux.
Cette polémique révèle à quel point l’usage de l’IA dans les industries créatives est un sujet sensible, entre crainte de déshumanisation et fascination pour l’innovation. Loin de fuir le débat, Swen Vincke a tenu à clarifier la position de Larian, insistant sur le fait que rien de ce qui est généré par l’IA ne se retrouve dans les versions finales des jeux.
Alors, comment comprendre cette affaire ? Faut-il voir Larian comme un studio qui trahit la création artistique, ou au contraire comme un acteur innovant et responsable dans son utilisation de la technologie ? Plongée dans un débat aussi complexe que passionné.
Larian Studios sous les projecteurs aux Game Awards 2025
L’annonce du nouveau jeu Divinity
Il aura suffi de quelques secondes de bande-annonce pour faire exploser la hype : lors des Game Awards 2025, Larian Studios a officialisé le développement d’un tout nouvel épisode de la saga Divinity. Cette série, qui avait connu un immense succès avec Divinity: Original Sin 2, revient sur le devant de la scène avec la promesse d’un univers toujours aussi riche et une narration soignée, marque de fabrique du studio belge.
L’annonce n’a pas seulement touché les fans de la première heure. Grâce au succès critique et commercial de Baldur’s Gate 3, Larian bénéficie désormais d’une visibilité mondiale. L’effet a été immédiat : les forums spécialisés, les réseaux sociaux et les plateformes de streaming ont vu une explosion des réactions enthousiastes. Certains espèrent un retour aux mécaniques tactiques de Original Sin, tandis que d’autres spéculent sur une fusion plus poussée entre RPG classique et cinématographie moderne.
« Larian revient à ses premières amours, mais avec l’expérience de Baldur’s Gate 3. Autant dire qu’on attend du lourd. » – Un fan sur Reddit
Réactions et attentes de la communauté
Cette annonce a aussi mis la barre très haut. Les attentes sont démesurées, non seulement à cause du prestige de la licence, mais aussi en raison de la réputation d’excellence narrative et technique que Larian a su bâtir. Le studio est désormais perçu comme un pilier du RPG occidental, capable de rivaliser avec les plus grands.
Cependant, cette mise en lumière a aussi placé Larian sous surveillance. Chaque déclaration, chaque orientation créative est scrutée à la loupe. C’est dans ce climat de haute attente que l’interview de Swen Vincke à Bloomberg a attiré une attention particulière, notamment autour de la question sensible de l’intelligence artificielle.
Ce que Swen Vincke a réellement dit sur l’IA
L’usage interne de l’IA : idées, PPT, conceptuels et textes provisoires
Lors de son interview avec Bloomberg, Swen Vincke a expliqué de manière transparente comment l’IA est utilisée chez Larian. Contrairement à ce que certains ont pu croire, il ne s’agit ni d’une automatisation du processus créatif, ni d’un remplacement des artistes par des algorithmes.
L’usage de l’intelligence artificielle au sein du studio se limite à des tâches en amont du processus de production. Voici ce que Vincke a précisé :
- L’IA est utilisée pour explorer des idées initiales, permettant d’élargir les perspectives créatives.
- Elle aide à étoffer les présentations PowerPoint, notamment dans les phases de prototypage ou pour la communication interne.
- Des illustrations conceptuelles brutes peuvent être générées, mais uniquement pour fournir des pistes visuelles, jamais pour une intégration directe dans le jeu.
- Elle est aussi employée pour rédiger des textes provisoires, utilisés comme base de travail pour les scénaristes ou les rédacteurs.
« Nous utilisons l’IA pour explorer des pistes. C’est un support, pas une solution toute faite. » – Swen Vincke
Distinction entre IA exploratoire et contenu final
La distinction est claire et affirmée : aucun contenu généré par l’IA n’apparaît dans les versions finales des jeux. Loin d’automatiser la création artistique, Larian fait de l’IA un outil d’assistance au même titre que des moodboards, des références ou des recherches visuelles sur Google.
Vincke insiste sur ce point : les créations présentes dans les jeux sont entièrement produites par des humains, et chaque visuel, chaque ligne de texte est passée par les mains de professionnels expérimentés. Cette clarification vise à rassurer la communauté quant à l’authenticité et à l’intégrité des œuvres produites par le studio.
L’approche de Larian, bien que proactive, respecte l’essence artisanale du développement de jeu. Mais cela n’a pas suffi à éteindre la tempête qui allait suivre…
La polémique sur les réseaux sociaux
Malentendus et réactions de la communauté
Malgré les explications relativement claires de Swen Vincke lors de l’interview, une partie de la communauté a mal interprété — ou volontairement amplifié — certains passages liés à l’usage de l’IA. Le mot-clé « IA » suffit aujourd’hui à déclencher une réaction épidermique, en particulier dans les milieux créatifs où la peur du remplacement et de la dévalorisation du travail humain est bien ancrée.
Sur X (anciennement Twitter), Reddit et autres forums spécialisés, des messages alarmistes ont commencé à circuler : “Larian remplace ses artistes par des machines”, “Encore un studio qui sacrifie l’art au profit de l’efficacité”, ou encore “L’IA va tuer l’originalité dans les jeux vidéo”. Autant de phrases-chocs qui, bien qu’inexactes, ont attisé une polémique virale.
Certains utilisateurs, sans prendre le temps de consulter les propos originaux, ont lancé des appels au boycott ou remis en question l’authenticité des productions de Larian. Une réaction typique de l’ère numérique, où l’indignation précède souvent la vérification.
« Il suffit de prononcer ‘IA’ pour qu’on pense tout de suite à des artistes virés et à des assets générés en masse. C’est plus complexe que ça. » – Commentaire sur un forum de développeurs indépendants
Pourquoi la déclaration a déchaîné les critiques
La virulence de la réaction s’explique par plusieurs facteurs :
- Un contexte tendu autour de l’IA, notamment depuis les controverses sur les générateurs d’images comme Midjourney ou les scripts GPT dans l’écriture de dialogues.
- La popularité massive de Larian, qui en fait une cible idéale pour les débats sociétaux liés au jeu vidéo.
- Et surtout, une communication initiale jugée trop technique ou trop floue pour le grand public, laissant la porte ouverte aux interprétations erronées.
La polémique a rapidement pris une telle ampleur que Swen Vincke a dû intervenir publiquement sur ses réseaux sociaux, avec un ton plus direct et personnel, pour désamorcer les tensions.
La réponse de Vincke pour apaiser la situation
Clarification sur l’équipe d’artistes
Face à la vague de critiques, Swen Vincke n’a pas laissé place au doute. Il a publié une réponse franche et passionnée sur les réseaux sociaux, avec un ton plus direct que celui adopté lors de l’interview à Bloomberg. L’un de ses messages les plus marquants débute par une phrase sans détour :
« Putain les gars, on ne fait pas tout pour remplacer les concept artists par de l’IA. »
Le ton est donné. Swen rappelle que Larian emploie 72 artistes, dont 23 concepteurs artistiques, et que le studio continue de recruter activement dans ce domaine. L’objectif n’est donc pas de réduire l’effectif humain, mais bien de soutenir la créativité de chacun par des outils modernes.
Il a également souligné que les créations visuelles présentes dans leurs jeux sont 100 % originales, réalisées par des artistes de renommée mondiale. L’IA ne remplace pas ces créateurs, elle est simplement utilisée en amont pour aider à développer des idées, comme le feraient des recherches iconographiques dans des livres ou sur internet.
Importance du talent humain face à l’automatisation
Vincke a insisté sur la philosophie de Larian : valoriser le talent humain et encourager les expérimentations avec les nouvelles technologies, sans jamais les substituer à la main de l’homme. Il précise que l’IA est vue comme un cadre de travail exploratoire, un outil qui permet parfois de tester des compositions visuelles avant qu’un artiste n’intervienne pour créer une version originale et aboutie.
« Nous avons embauché des créatifs pour leur talent, non pas pour leur capacité à faire ce qu'une machine leur suggère, mais pour leur capacité à expérimenter avec ces outils afin de se faciliter la vie. » – Swen Vincke
Cette mise au point vise à restaurer la confiance entre Larian et sa communauté, tout en ouvrant un débat plus nuancé sur le rôle de l’IA dans la production artistique. Plutôt que de diaboliser la technologie, le PDG belge invite à la comprendre et à l’encadrer intelligemment, au service de la créativité.
L’IA comme outil de création, pas de remplacement
IA au service de la créativité des artistes
Loin des visions dystopiques où des intelligences artificielles prennent le contrôle de la création artistique, Larian Studios adopte une posture équilibrée et réfléchie. Pour Swen Vincke, l’IA est avant tout un outil d’aide à la conception, comparable à un moteur de recherche ou à une palette d’inspiration. Elle permet aux artistes de gagner du temps dans la phase d’idéation, mais ne prend jamais le relais de l’humain dans la production finale.
Cette approche rejoint une tendance de plus en plus visible dans le monde du jeu vidéo : utiliser l’IA pour générer des pistes, des brouillons ou des prototypes, tout en laissant l’exécution artistique à des professionnels formés. Chez Larian, cela se traduit par :
- Des ébauches visuelles pour réfléchir à la composition d’une scène ;
- Des textes bruts servant de tremplin pour les scénaristes ;
- Des explorations d’univers ou de styles qui servent à orienter la direction artistique.
Autrement dit, l’IA est un catalyseur d’imagination, mais jamais l’auteur final. Elle ne signe pas, elle ne décide pas, elle ne crée pas : elle inspire.
Avantages et limites selon Larian Studios
Larian reconnaît que l’IA peut accélérer certaines tâches répétitives ou purement techniques. Elle permet d’explorer plus rapidement un éventail d’options créatives et de faire émerger des idées parfois inattendues. Cela offre une forme de liberté nouvelle pour les équipes artistiques, qui peuvent se concentrer sur la qualité, l’innovation et le storytelling.
Mais le studio belge est aussi lucide sur les limites de l’IA générative :
- Elle manque de cohérence narrative sur le long terme ;
- Elle peut reproduire des clichés ou des stéréotypes issus de ses bases d’entraînement ;
- Et surtout, elle n’a pas d’intention artistique propre, contrairement à un humain.
En résumé, chez Larian, l’intelligence artificielle est une assistante, pas une créatrice. Cette vision tempérée permet au studio d’innover tout en conservant son identité profondément humaine, ce qui reste l’un de ses plus grands atouts dans un secteur en perpétuelle évolution.
En quelques mots
L’affaire Larian Studios et l’IA est un parfait reflet des tensions qui agitent actuellement l’industrie du jeu vidéo : comment intégrer de nouveaux outils technologiques sans trahir les fondamentaux de la création artistique ? Swen Vincke et son équipe ont choisi de jouer la carte de la transparence, tout en réaffirmant leur attachement indéfectible au travail humain.
Loin de céder à la tentation de l’automatisation à outrance, Larian montre qu’il est possible d’utiliser l’IA de manière raisonnée et éthique, comme un accélérateur de créativité et non comme un substitut. Ce positionnement, bien qu’incompris par certains, pourrait bien représenter un modèle pour d’autres studios en quête d’équilibre entre modernité et respect de l’artisanat.
En définitive, cette polémique aura permis de clarifier un sujet brûlant, mais surtout de rappeler que derrière chaque chef-d'œuvre vidéoludique, il y a avant tout des artistes, des auteurs et des passionnés. Et chez Larian, ces créateurs sont toujours là – et ils recrutent même.