Hideo Kojima: un esprit en ébullition permanente

AuthorArticle written by Vivien Reumont
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Publication date16/09/2025
Portrait en demi-buste d’un homme d’origine asiatique dans un environnement sobre et professionnel. Il porte des lunettes rondes à monture noire et violette, a une barbe courte et des cheveux noirs légèrement ébouriffés tombant sur le front. Il affiche un léger sourire, avec un regard calme et assuré. Il est vêtu d’un manteau noir sur un t-shirt sombre, le tout dans une palette de couleurs discrètes. L’arrière-plan est uni, gris foncé, avec une étagère métallique moderne visible sur le côté droit de l’image, comportant un objet blanc flou difficile à identifier. L’image évoque un style soigné et réfléchi, typique d’un créateur ou développeur influent dans l’industrie du jeu vidéo. L’ambiance générale suggère un shooting professionnel, axé sur la sobriété et l’élégance.

Dans une industrie du jeu vidéo en perpétuelle évolution, rares sont les figures aussi emblématiques que Hideo Kojima. Réputé pour son approche cinématographique, ses intrigues complexes et son goût prononcé pour l’expérimentation, le créateur de Metal Gear Solid et Death Stranding est reconnu comme un visionnaire. Mais derrière ses œuvres déjà sorties se cache une autre facette fascinante de l’homme: celle d’un esprit en ébullition constante.

Dans une interview récente accordée au site Man of Many, Kojima a révélé un aspect de sa personnalité rarement évoqué avec autant de franchise: il affirme être incapable d’arrêter de penser à de nouveaux projets. Pour lui, cette capacité créative incessante ressemble à une « maladie » — un mal doux-amer qui le suit partout, même dans sa vie quotidienne.

Cette confession nous plonge au cœur du processus créatif d’un développeur pas comme les autres. Alors que certains attendent l'inspiration, Kojima semble en être envahi en permanence. Comment ce phénomène influence-t-il son travail ? Quelles idées bouillonnent dans son esprit ? Et que cela implique-t-il pour les projets actuels et futurs du célèbre studio Kojima Productions ? C’est ce que nous allons explorer dans cet article.

 

La “maladie” de la créativité permanente

Une imagination sans pause

« C’est comme une maladie — mais une que j’ai choisi d’avoir », confie Hideo Kojima dans son interview. Ces mots illustrent à quel point la frontière entre sa vie personnelle et son processus créatif est devenue poreuse. Là où certains créateurs savent poser des limites, lui semble incapable d’appuyer sur pause. Cette activité mentale perpétuelle ne s’arrête jamais: qu’il soit en déplacement, en train de manger ou simplement en train de marcher dans la rue, il pense à ses futurs jeux, ses mécaniques, ses univers.

Ce phénomène n’est pas nouveau pour lui, mais il devient de plus en plus omniprésent avec l’âge et l’expérience. Chaque moment du quotidien devient une opportunité d’exploration mentale. Il le décrit comme un besoin viscéral de construire, d’imaginer, d’anticiper.

« Même lorsque je regarde un film pour me détendre, mon cerveau dévie rapidement vers l’idée de savoir comment cela pourrait être intégré dans un jeu. »

Une telle intensité créative, bien que fascinante, peut aussi poser question sur le plan personnel. Peut-on réellement vivre avec ce moteur allumé en permanence ? Pour Kojima, il semble que la réponse soit oui — à condition d’embrasser cette singularité comme un mode de vie plutôt qu’un fardeau.

Les sources d’inspiration variées

Ce qui alimente cette “maladie” créative n’est pas un rituel figé ou une méthodologie stricte, mais une ouverture constante au monde. Kojima ne se limite pas aux jeux vidéo pour nourrir son imagination. Il lit énormément, regarde des films de toutes cultures, écoute de la musique, voyage, observe les gens et discute avec des profils très différents du sien.

Il affirme que même une simple conversation avec un inconnu peut donner naissance à une idée de scénario. Une œuvre littéraire ou cinématographique peut éveiller une mécanique de gameplay inédite. Et une scène banale du quotidien peut devenir la base d’une narration complexe à la Death Stranding.

« Je suis toujours en mode "réception". Je ne peux pas m’en empêcher. Même un détail insignifiant peut déclencher une cascade d’idées. »

Ce processus n’est pas toujours linéaire ni immédiat. Certaines idées peuvent rester en gestation pendant des années, jusqu’à ce qu’un élément externe vienne les réveiller. Cette lente maturation est l’un des traits distinctifs du travail de Kojima: rien n’est jamais fait dans la précipitation, même si son esprit tourne à plein régime.

 

Ses projets actuels

OD et son mélange d’horreur / nouveaux horizons

Parmi les projets les plus intrigants actuellement en développement chez Kojima Productions, OD (Overdose) se démarque. Annoncé lors des Game Awards 2022, ce titre encore mystérieux est décrit comme une expérience interactive entre le jeu vidéo et le cinéma. Kojima collabore avec Xbox Game Studios pour ce projet, profitant de la puissance du cloud pour explorer de nouvelles formes de narration.

Bien qu’on en sache peu, OD s’annonce comme une expérience horrifique profondément immersive. Le casting annoncé, incluant Sophia Lillis et Hunter Schafer, laisse entrevoir une dimension dramatique et psychologique intense. Kojima a confié que ce jeu n’est pas un survival horror traditionnel, mais plutôt un exercice de terreur sensorielle, jouant avec la perception du joueur.

« Ce que j’essaie de faire avec OD, c’est de créer une peur qui reste en vous, comme une ombre. »

Avec OD, Kojima ne cherche pas seulement à effrayer: il veut réinventer le langage de la peur, en s’appuyant sur des technologies émergentes et une narration non conventionnelle. Ce projet représente donc un nouveau terrain d’expérimentation pour le créateur japonais, et un test pour voir jusqu’où le jeu vidéo peut aller en matière de sens et d’émotion.

Physint, retour vers l’espionnage et la promesse d’un “spiritual successor” de Metal Gear

Autre projet très attendu: Physint, que beaucoup perçoivent déjà comme le successeur spirituel de Metal Gear Solid. Kojima lui-même a déclaré qu’il s’agirait d’un jeu d’action-espionnage à la croisée du jeu vidéo et du film, combinant scènes d’action réalistes, narration dense et gameplay furtif. Bien que toujours en phase de concept, Physint s’annonce comme un retour aux racines de Kojima, tout en intégrant les technologies modernes.

Kojima a insisté sur le fait que Physint ne serait pas une suite directe à ses anciennes créations, mais plutôt une réinvention du genre, libérée des contraintes de licences ou d’attentes éditoriales. Cela lui permet de créer selon ses propres termes, ce qui, connaissant l’homme, est autant une promesse qu’un mystère.

« Ce ne sera pas un Metal Gear, mais ce sera quelque chose qui en porte l’ADN. »

Ce projet est également une opportunité pour Kojima de montrer ce qu’il aurait pu faire s’il avait eu le contrôle total de la saga d’infiltration dès le début. Le projet avance lentement, mais l’ambition semble immense, et la promesse d’un gameplay hybride — entre film et jeu — pourrait bien redéfinir une nouvelle fois les limites du médium.

 

L’avenir de Death Stranding et les limites de la continuité

Kojima réfléchit déjà à ce que pourrait devenir la franchise

Bien qu’il soit encore occupé avec des projets comme OD et Physint, Kojima pense déjà à l’avenir de Death Stranding. Cette licence, née en 2019, a surpris le monde du jeu vidéo par sa proposition unique mêlant marche contemplative, entraide indirecte entre joueurs, et métaphores sur la connexion humaine. Death Stranding 2 est actuellement en développement, avec des visuels déjà impressionnants et un retour attendu de Sam Porter Bridges.

Mais Kojima va plus loin. Dans son interview, il explique qu’il envisage déjà ce que pourrait devenir l’univers de Death Stranding à long terme, au-delà même du deuxième épisode. Et de façon surprenante, il laisse entendre que la suite de la franchise pourrait un jour ne plus être entre ses mains.

« Je pense à ce que Death Stranding pourrait devenir si je ne suis plus celui qui le réalise. »

Cette déclaration soulève une question cruciale: un univers aussi personnel peut-il survivre sans son créateur ? Cela montre aussi que Kojima a pleinement conscience de sa propre mortalité créative et souhaite que certains de ses mondes puissent lui survivre. Il évoque cette possibilité non pas comme un désengagement, mais comme une forme de transmission — une continuité au-delà de sa propre présence.

Les défis temporels et de pertinence des idées

Un autre point clé abordé dans son interview est la temporalité de la création vidéoludique. Kojima explique que beaucoup de ses idées mettent des années à mûrir, et que cela représente un risque important: une idée brillante aujourd’hui peut sembler obsolète ou inintéressante demain, une fois arrivée sur le marché.

« Il m’est arrivé de repousser une idée pendant des années, puis de la sortir au moment où elle n’était plus aussi percutante. C’est le danger de ce métier. »

Ce dilemme entre innovation et obsolescence pèse lourd sur son processus créatif. D’autant que l’industrie du jeu vidéo évolue rapidement: ce qui est techniquement impressionnant en 2025 ne le sera peut-être plus en 2028, date estimée de sortie pour certains de ses concepts en gestation.

Cela exige de Kojima une forme d’intuition aiguë, un flair pour anticiper ce qui restera pertinent dans plusieurs années. Une tâche difficile, surtout quand l’œuvre elle-même est construite sur des mécaniques et des idées souvent en avance sur leur temps. C’est aussi ce qui rend Death Stranding si unique: né d’une intuition post-apocalyptique avant même la pandémie de 2020, il a trouvé une résonance inattendue.

 

Impact sur son processus créatif et le studio

Le rôle du temps, du concept vs. de la réalisation

Chez la plupart des studios, une idée de jeu est soumise à des impératifs économiques, des deadlines serrées et une planification rigide. Chez Kojima Productions, c’est tout l’inverse. Le temps y est vu comme un allié, et non un ennemi. Kojima passe parfois des années à développer un simple concept, à le laisser mûrir, à tester des prototypes, à en discuter avec ses équipes, avant même de passer à la production.

« Une bonne idée ne suffit pas. Il faut qu’elle puisse traverser le temps. »

Cette approche exigeante a un coût: certains concepts ne verront jamais le jour, non pas par manque de qualité, mais parce qu’ils auront été dépassés par l’époque ou invalidés par une nouvelle vision plus pertinente. Cela peut être frustrant, même au sein de son propre studio. Mais cela fait partie de la méthodologie Kojima: mieux vaut ne rien sortir que de sortir quelque chose de bancal ou déconnecté de son époque.

Ce processus génère aussi une atmosphère particulière dans l'équipe. Les membres de Kojima Productions savent qu’ils travaillent sur quelque chose qui prend le temps de devenir, et cela crée un espace propice à l’expérimentation. Cela signifie aussi que l’échec n’est pas tabou, tant que l’idée est explorée à fond.

Le fardeau (ou le privilège) de l’anticipation

Être en avance sur son temps, c’est aussi porter le poids de l’anticipation. Kojima est souvent considéré comme un prophète vidéoludique, capable de capter les courants de fond de notre société avant qu’ils ne deviennent évidents. Cela crée des attentes énormes, à la fois chez les fans et dans l’industrie.

« On attend de moi que je sois visionnaire. Mais parfois, j’aimerais juste raconter une bonne histoire sans pression. »

Cette lucidité traduit un paradoxe: la liberté totale qu’il s’est construite grâce à son indépendance vient avec une charge mentale non négligeable. Il ne peut plus faire un simple jeu d’action sans que le monde s’attende à une révolution du médium. Cette anticipation permanente — celle qu’il cultive chez lui, et celle que les autres placent en lui — façonne sa manière de travailler.

Elle influence aussi les décisions stratégiques du studio, notamment dans le choix des partenaires technologiques ou des formats expérimentaux. Kojima n’avance pas seul: il teste ses idées sur ses équipes, ses acteurs, ses partenaires techniques, et façonne son œuvre en tenant compte d’un futur qu’il ne peut jamais totalement contrôler.

 


En quelques mots

Hideo Kojima n’est pas un simple créateur de jeux vidéo — c’est un explorateur de mondes, un artisan de l’imaginaire moderne qui ne cesse de repousser les frontières du médium. Son aveu d’être en proie à une créativité incessante, qu’il compare à une “maladie”, nous offre une fenêtre unique sur l’état d’esprit d’un artiste en perpétuelle ébullition.

Qu’il travaille sur des projets concrets comme OD ou Physint, ou qu’il réfléchisse déjà à l’héritage de Death Stranding, Kojima incarne la tension permanente entre la vision et la réalisation, entre le rêve et le produit fini. Il ne crée pas pour aujourd’hui, mais pour demain — voire après-demain — quitte à ce que certaines de ses idées ne soient jamais publiées.

Cette approche, exigeante et parfois déconcertante, témoigne d’un engagement profond envers l’innovation, la narration et la liberté créative. Elle nous rappelle aussi que le jeu vidéo n’est pas qu’un divertissement, mais un vecteur d’expression, de réflexion et d’émotion, capable de rivaliser avec n’importe quelle autre forme artistique.

Et si cette “maladie” dont parle Kojima était en réalité la condition nécessaire pour que naissent des œuvres aussi singulières que les siennes ? Une chose est sûre: tant qu’il pensera à de nouveaux projets, le monde du jeu vidéo ne manquera jamais d’idées folles, de concepts inédits et d’expériences hors normes.

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