
Depuis sa révélation, Assassin’s Creed Shadows était attendu au tournant par les fans comme par les observateurs de l’industrie. Nouveau chapitre d’une saga emblématique, le jeu d’Ubisoft a officiellement été lancé il y a à peine deux jours, et les chiffres publiés sont à première vue impressionnants: deux millions de joueurs ont déjà exploré les terres du Japon féodal recréées dans le jeu. Un score qui, à première lecture, donne l’impression d’un succès éclatant.
Mais attention aux apparences. Car derrière cette performance se cache une subtilité que peu relèvent au premier abord: ces deux millions ne correspondent pas à des ventes, mais bien à des utilisateurs ayant essayé le jeu, que ce soit via des offres promotionnelles, des services d’abonnement ou d'autres canaux alternatifs. Et cette nuance change radicalement la lecture de ce que représente réellement ce lancement. Ubisoft a-t-il tenté de masquer des résultats commerciaux décevants derrière un discours bien rôdé ? C’est ce que nous allons explorer.
Assassin's Creed Shadows atteint deux millions de joueurs en deux jours
Un lancement fulgurant pour le nouvel opus d'Ubisoft
Le 22 mars 2025, Ubisoft annonçait fièrement que Assassin’s Creed Shadows avait franchi la barre des deux millions de joueurs, seulement deux jours après sa sortie officielle. Déjà, au bout de 24 heures, le jeu comptabilisait un million de joueurs sur l’ensemble des plateformes, un chiffre impressionnant qui témoigne d’un certain engouement autour de cette nouvelle itération.
Mais si ce nombre donne l’impression d’un carton, il est important de le mettre en perspective: le studio n’a jamais mentionné le nombre de copies vendues, un indicateur pourtant clé dans la mesure du succès commercial d’un jeu. Ce silence n’est pas anodin. Car si la communauté a répondu présente pour découvrir ce nouvel opus, la plupart l’ont fait via des services comme Ubisoft+ ou le Xbox Game Pass, où le jeu est accessible sans achat direct.
Autrement dit, deux millions d’utilisateurs ont lancé le jeu, mais cela ne signifie pas que deux millions d’unités ont été vendues. Cette distinction est cruciale pour évaluer les performances économiques du titre. Dans un contexte où les chiffres de ventes sont traditionnellement mis en avant, ce type de communication semble viser à habiller le lancement d’un succès qui reste à relativiser.

Traduction française du tweet :
🔥 2 MILLIONS DE JOUEURS ! 🔥
Nous sommes ravis de célébrer cette étape incroyable !
Assassin’s Creed Shadows a désormais dépassé les lancements de AC Origins et Odyssey. Merci de nous accompagner dans ce voyage au Japon féodal !
#AssassinsCreedShadows
Analyse des chiffres: joueurs actifs versus copies vendues
La subtilité des termes employés par Ubisoft
Lorsqu’un éditeur publie des chiffres après le lancement d’un jeu, le choix des mots devient une arme stratégique. Ubisoft ne parle ici ni de “ventes”, ni même de “copies écoulées”, mais bien de “joueurs ayant essayé le jeu”. Une formule volontairement vague qui ouvre la porte à plusieurs interprétations et révèle une tendance grandissante dans l’industrie: celle de mettre en avant la portée plutôt que la rentabilité.
Pourquoi cette prudence sémantique ? Parce que les joueurs en question ont majoritairement accédé au jeu via des offres promotionnelles ou des abonnements. Le Xbox Game Pass, par exemple, permet de jouer à des titres récents sans les acheter, et Ubisoft pousse son propre service Ubisoft+ pour faire de même. Le jeu peut donc exploser en nombre de sessions sans générer des revenus équivalents à une vente classique.
Cela soulève une autre question: à quel point ce chiffre est-il révélateur d’un succès commercial ? D’un point de vue marketing, c’est un bel argument pour attirer l’attention, rassurer les investisseurs et les fans. Mais sur le plan économique, il est difficile de savoir si Ubisoft rentre dans ses frais, notamment avec un jeu aussi ambitieux et coûteux en développement que Shadows.
Cette façon de communiquer, qui transforme un lancement timide en événement majeur, est symptomatique d’une époque où l’image du succès est parfois plus cruciale que le succès lui-même.
Comparaison avec Dragon Age: The Veilguard
Des pics de joueurs simultanés révélateurs
Pour mieux cerner la portée réelle du lancement de Assassin’s Creed Shadows, il est pertinent de comparer ses chiffres à ceux d’un autre poids lourd de l’année: Dragon Age: The Veilguard. Bien que les deux jeux appartiennent à des genres légèrement différents, ils partagent un point commun essentiel: ils sont tous deux les produits phares de franchises iconiques avec une base de fans massive.
Le pic de joueurs en simultané pour Assassin’s Creed Shadows s’est établi à 64 000 utilisateurs, un chiffre honorable, mais loin de rivaliser avec celui de The Veilguard, qui a atteint 89 500 joueurs connectés en même temps. Une différence significative de plus de 25 000 joueurs, malgré une couverture médiatique tout aussi dense.
Ce chiffre, plus difficile à maquiller que le nombre total de joueurs, donne un aperçu plus brut de l’enthousiasme réel autour du jeu. Un bon lancement se traduit souvent par un pic fort et stable de connexions simultanées, signe que les joueurs restent, jouent, s’investissent. Dans le cas de Shadows, la baisse rapide du pic pourrait indiquer que de nombreux joueurs ont testé le jeu brièvement sans s’y investir durablement.
Et ce constat pose problème pour un titre qui se veut narratif, profond et long à parcourir. Cela peut suggérer une frustration rapide, un désintérêt partiel ou tout simplement une curiosité passagère suscitée par l’accessibilité via les services d’abonnement. Ce n’est pas un échec en soi, mais ce n’est certainement pas le triomphe qu’Ubisoft pourrait vouloir faire croire.
Communication d'Ubisoft: entre succès apparent et réalité commerciale
Décryptage des stratégies de communication de l'éditeur
Ubisoft n’en est pas à son premier coup de communication habile. L’éditeur français maîtrise depuis longtemps l’art de la mise en récit de ses succès, quitte à en lisser les contours moins reluisants. Avec Assassin’s Creed Shadows, la stratégie repose clairement sur la mise en valeur d’un chiffre impressionnant — deux millions de joueurs — tout en occultant volontairement la donnée essentielle: les ventes.
Ce choix n’est pas anodin. Dans une industrie où les critiques fusent vite et où les investisseurs scrutent chaque mouvement, il est essentiel de contrôler le récit. En optant pour une communication basée sur l’engagement plutôt que sur la rentabilité, Ubisoft tente de maintenir l’image d’une franchise encore puissante et fédératrice, même si les ventes ne suivent pas.
Cette stratégie cache cependant un malaise plus profond: celui d’un modèle économique en mutation. L’intégration croissante des jeux dans les services d’abonnement, bien qu’elle élargisse l’accès aux titres, rend plus floue la perception du succès commercial. Un jeu peut être massivement joué... sans rapporter directement.
“Nous sommes ravis de voir autant de joueurs découvrir notre univers.” – Ubisoft, sans préciser les chiffres de vente.
En fin de compte, cette communication contrôlée met en lumière la volonté d’Ubisoft de rassurer, de séduire, mais surtout de dissimuler une réalité potentiellement moins flatteuse: un lancement qui manque peut-être de mordant sur le plan économique.
En quelques mots
Assassin’s Creed Shadows semble, au premier abord, cocher toutes les cases d’un lancement réussi: deux millions de joueurs en deux jours, une présence massive sur les plateformes, un engouement palpable sur les réseaux sociaux. Mais à y regarder de plus près, le tableau se nuance considérablement. Pas de chiffres de ventes annoncés, un pic de joueurs en simultané relativement faible, et une communication savamment formulée: Ubisoft maîtrise son image, mais ne trompe pas les plus attentifs.
Ce cas illustre parfaitement les transformations en cours dans l’industrie du jeu vidéo. Le succès ne se mesure plus uniquement en unités vendues, mais aussi en visibilité, en temps d'engagement, en nombre de sessions... Pourtant, ces indicateurs alternatifs ne doivent pas masquer l’essentiel: sans rentabilité, même la plus grande franchise ne peut survivre indéfiniment.
À l’heure des services à la demande et des abonnements tout-en-un, Assassin’s Creed Shadows représente un tournant. Peut-être pas celui qu’Ubisoft espérait.