Ubisoft est actuellement au cœur de discussions majeures, marquées par la potentielle prise de contrôle de l'entreprise par la famille Guillemot, fondatrice de la société, et son partenaire chinois Tencent. Après plusieurs revers économiques et une chute de 54 % du cours de ses actions en 2024, Ubisoft semble être à un tournant décisif de son histoire. Selon des rapports de Bloomberg, la famille Guillemot et Tencent explorent actuellement des options pour racheter Ubisoft, ce qui inclurait une privatisation potentielle. Si ces discussions aboutissent, cela pourrait restructurer radicalement l'entreprise et ses opérations futures, offrant un souffle nouveau à la société après une période de turbulences prolongées.
Une situation financière préoccupante
La décision de privatisation n'est pas anodine et découle principalement des récentes difficultés rencontrées par Ubisoft sur le plan économique. En effet, l'entreprise a traversé une période sombre ces dernières années, marquée par une série d'échecs commerciaux. Le jeu XDefiant, censé concurrencer le mastodonte Call of Duty, n'a pas réussi à séduire une audience suffisamment large, et les chiffres de ventes ont été jugés catastrophiques. Star Wars Outlaws, l'une des sorties les plus attendues de l'année, a également connu un accueil mitigé, avec des critiques soulignant un manque d'innovation et une réalisation technique en deçà des attentes.
Ces revers successifs ont directement impacté les résultats financiers d'Ubisoft, entraînant une chute significative de la valeur de ses actions. Depuis le début de l'année 2024, les actions de la société ont perdu 54 % de leur valeur, une situation alarmante qui a incité la famille Guillemot et Tencent à envisager un rachat.
Le rôle de la famille Guillemot et de Tencent
Yves Guillemot, co-fondateur et PDG d'Ubisoft, a déjà exprimé son intention de stabiliser la société et de lui donner un nouvel élan. La famille Guillemot détient actuellement un peu plus de 20 % des actions d'Ubisoft, ce qui en fait l'un des plus grands actionnaires de l'entreprise. De son côté, Tencent, le géant chinois de la technologie et des jeux vidéo, possède environ 9 % des actions de la société, ce qui en fait également un acteur clé dans cette opération potentielle.
L'idée d'une privatisation, par l'association de ces deux forces, pourrait offrir une plus grande flexibilité à Ubisoft pour réorienter ses stratégies sans la pression immédiate des marchés publics. En effet, une société privée est moins soumise aux fluctuations boursières et peut donc se concentrer sur des objectifs à plus long terme, sans avoir à satisfaire constamment des actionnaires exigeants.
L'intérêt de Tencent dans cette affaire n'est pas anodin. Le géant chinois voit en Ubisoft une opportunité stratégique pour renforcer sa présence en Occident, tout en bénéficiant du savoir-faire d'une entreprise européenne ayant une forte expertise dans le développement de jeux de grande envergure. Pour la famille Guillemot, cette privatisation pourrait être une manière de redonner du souffle à une entreprise qui leur est chère, tout en gardant le contrôle sur son avenir.
Une tentative de redressement en cours
Dans une note récente adressée aux investisseurs, Yves Guillemot a reconnu que le "deuxième trimestre de l'entreprise n'a pas répondu aux attentes". Il a également annoncé une série de mesures pour améliorer l'approche d'Ubisoft, notamment en se concentrant davantage sur le joueur et le gameplay, tout en cherchant à renforcer la valeur à long terme de ses franchises. Cette annonce a été bien accueillie par les marchés, avec une remontée de 30 % du cours des actions de l'entreprise dans les jours qui ont suivi.
Toutefois, malgré ces annonces optimistes, les défis auxquels Ubisoft doit faire face sont nombreux. En plus des résultats financiers décevants, l'entreprise doit également composer avec une grogne sociale de plus en plus palpable. Une grève des employés est d'ailleurs prévue pour la fin du mois, en réponse à des conditions de travail jugées insatisfaisantes et à une gestion de projets chaotique.
Le report de la sortie de Assassin's Creed Shadows, initialement prévu pour fin 2024, à février 2025 est également un signe que la société peine à maintenir le cap. Cette franchise phare, qui a fait la renommée d'Ubisoft, est attendue au tournant par les fans, et tout faux pas pourrait être fatal pour la réputation de l'entreprise.
Un marché en pleine mutation
Il est intéressant de noter que cette crise interne intervient à un moment où l'industrie du jeu vidéo traverse elle-même une phase de mutation profonde. Avec la montée en puissance des jeux en tant que service, des plateformes de streaming et des modèles économiques basés sur les microtransactions, Ubisoft se retrouve à devoir s'adapter rapidement pour ne pas être distancé par ses concurrents. Des géants comme Electronic Arts ou Activision Blizzard ont su mieux gérer cette transition, en misant sur des franchises solides et une présence accrue dans le domaine du sport électronique, des plateformes numériques, et du mobile.
Ubisoft, de son côté, semble avoir pris du retard sur ces évolutions, avec des titres qui peinent à trouver leur public et des choix stratégiques discutables. La récente décision d'abandonner la politique d'exclusivité temporaire sur l'Epic Games Store pour revenir à des lancements day one sur Steam en est un exemple. Ce retour sur Steam, une plateforme bien plus populaire, pourrait contribuer à redresser les ventes, mais il soulève également des questions sur la stratégie à long terme d'Ubisoft concernant la distribution de ses jeux.
Quel avenir pour Ubisoft ?
En l'état actuel des choses, il est difficile de dire avec certitude quel sera l'avenir d'Ubisoft. Les discussions entre la famille Guillemot, Tencent et leurs conseillers financiers sont encore exploratoires, et il est possible que cette tentative de privatisation n'aboutisse jamais. Néanmoins, le simple fait que de telles discussions aient lieu témoigne de l'urgence de la situation et de la nécessité de trouver une solution rapide pour redresser l'entreprise.
Si la privatisation se concrétise, Ubisoft pourrait alors se concentrer davantage sur ses franchises phares, comme Assassin's Creed, tout en explorant de nouveaux territoires, comme la réalité virtuelle (VR) ou les jeux sur mobile, des secteurs en plein essor dans l'industrie du jeu vidéo. De plus, la collaboration avec Tencent pourrait permettre à Ubisoft d'accéder plus facilement au marché chinois, l'un des plus lucratifs au monde, et de bénéficier de l'expertise technologique du géant asiatique.
Cependant, il reste également à voir comment les employés d'Ubisoft réagiront à ces changements potentiels. La grogne sociale qui monte pourrait compliquer les plans de la direction, et il sera crucial pour la famille Guillemot et Tencent de gérer ces tensions de manière proactive afin d'éviter un exode massif de talents.
En quelques mots
Ubisoft traverse une période de turbulences économiques majeures, avec des performances financières inquiétantes et une perte de confiance sur les marchés. Le projet de rachat par Tencent et la famille Guillemot pourrait marquer un tournant décisif pour l'entreprise, bien que les discussions soient encore en cours. Quoi qu'il en soit, Ubisoft devra redéfinir ses stratégies de développement et de publication pour regagner sa place de leader dans l'industrie du jeu vidéo.
