Annoncé en fanfare à l'E3 2017, Beyond Good and Evil 2, l'un des projets les plus ambitieux de l'histoire d'Ubisoft, demeure un mystère pour les joueurs. À ce jour, aucune date de sortie n’a été annoncée, et les nouvelles concernant son avancement se font rares. Cependant, grâce à une récente interview accordée par Michel Ancel au site Superpouvoir, de nouvelles informations éclairent les coulisses chaotiques de ce développement hors normes.
Une vision divisée : les racines du chaos
Michel Ancel, créateur de la saga et ancien membre clé d'Ubisoft, ne travaille plus sur le projet depuis son départ en 2020. Dans son interview, il livre un témoignage fascinant, parfois troublant, sur les conflits internes qui ont paralysé le développement de Beyond Good and Evil 2. Ces tensions ont principalement résulté d’un manque d’alignement entre les différents responsables du projet.
« Sur BGE2, par exemple, il y avait trop de soucis entre responsables. Le directeur artistique voulait tout refaire sans cesse, le game director voulait faire un jeu de donjons générés et moi je rêvais à une aventure spatiale. On a tout simplement pas réussi à s’accorder et le game director a emporté le projet dans d’autres directions [...] »
Le manque de cohésion entre les leaders du projet a plongé les équipes dans un flou total, chacune tirant dans une direction différente. Ancel évoque un contexte où les développeurs se sentaient perdus, faute d’une vision claire et d’un leadership efficace.
Des interventions tardives, des résultats mitigés
Le rôle d’Ubisoft, et plus spécifiquement d’Yves Guillemot, le PDG de l’entreprise, a également été mis en lumière. Face à l’escalade des problèmes, Guillemot lui-même a tenté d’intervenir pour redresser la barre.
« Dans ce type de situation, les équipes se retrouvent ballottées et ne savent même plus qui dirige et prend les décisions. Le producteur est censé mettre de l’ordre là-dedans mais cela n’a pas eu lieu. Yves Guillemot a même dû descendre à Montpellier pour remettre les choses en marche, mais cela n’a pas suffi et le game director a continué dans son obstination [...] »
Malgré cette intervention, les divergences internes ont persisté. Selon Ancel, cela a entraîné un renouvellement partiel des responsables du projet. Il souligne également l'impact destructeur que ces conflits ont pu avoir sur les équipes.
« Au final, tout cela est une affaire de responsables passionnés qui ne se sont pas entendus. Je crois que depuis quelque temps, ces personnes ont été remerciées et le projet a trouvé un certain équilibre avec de nouveaux responsables. Ces soucis de management sont bien sûr très dommageables pour les équipes. Tout cela montre qu’effectivement, ce n’est pas simple : beaucoup d’ego et beaucoup d’enjeux avec une gestion humaine clairement améliorable [...] »
Une autocritique courageuse
L’interview de Michel Ancel est marquée par une franchise étonnante, l’ancien créateur prenant aussi une part de responsabilité dans les échecs du projet.
« Il n’y avait pas un unique grand méchant mais une somme de soucis clés, non résolus au niveau des responsables, dont je faisais partie. J’ai ma part de responsabilité et j’aurais dû mieux défendre le projet, être plus présent et plus conciliant avec les collaborateurs. »
Cette autocritique révèle un homme conscient de ses propres erreurs, un aspect rare dans une industrie où les responsabilités sont souvent diluées.
Le poids des attentes sur Beyond Good and Evil 2
Depuis son annonce, Beyond Good and Evil 2 a suscité des attentes énormes. Présenté comme un préquel à l’iconique Beyond Good and Evil, le jeu promettait une expérience spatiale riche et immersive, avec un univers vivant et connecté en ligne. Mais ces promesses se sont rapidement heurtées à la réalité du développement.
Les ambitions du jeu, notamment sa volonté de proposer un univers massivement multijoueur, ont amplifié les défis techniques et organisationnels. Au fil des ans, des rumeurs de « développement en enfer » (development hell) ont circulé, alimentées par les retards successifs et les départs d’acteurs clés du projet.
Une industrie en mutation
L’histoire de Beyond Good and Evil 2 met également en lumière des problématiques plus larges dans l’industrie du jeu vidéo, notamment le rôle du management et les défis posés par des visions artistiques divergentes. Les grandes productions, ou « AAA », nécessitent une coordination millimétrée entre des centaines, voire des milliers de personnes. Le moindre déséquilibre peut entraîner des retards coûteux et des tensions insurmontables.
Chez Ubisoft, le cas Beyond Good and Evil 2 n’est pas isolé. Ces dernières années, l’entreprise a été confrontée à plusieurs remaniements internes et polémiques. Ces bouleversements témoignent d’un besoin urgent de repenser la gestion des projets à grande échelle et de renforcer les compétences en leadership.
Quels espoirs pour Beyond Good and Evil 2 ?
Aujourd’hui, l’avenir de Beyond Good and Evil 2 reste incertain. Les déclarations de Michel Ancel laissent entendre que le projet a trouvé un nouveau souffle avec une équipe de direction renouvelée. Cependant, aucune communication officielle récente d’Ubisoft n’a permis de confirmer ou d’infirmer ces progrès.
Pour les fans, l’attente est devenue une épreuve. Beaucoup espèrent que l’œuvre finale sera à la hauteur de ses ambitions initiales, mais d’autres craignent que le jeu ne voie jamais le jour.
En quelques mots
Beyond Good and Evil 2 illustre parfaitement les défis monumentaux auxquels sont confrontés les projets ambitieux dans l’industrie du jeu vidéo. Les propos de Michel Ancel révèlent un mélange d’ambitions mal gérées, de conflits internes et de pressions organisationnelles. Alors que le jeu continue de susciter une curiosité mêlée d’impatience, son développement chaotique sert de rappel des complexités inhérentes à la création de mondes virtuels. Espérons qu’un jour, Beyond Good and Evil 2 puisse enfin atteindre les étoiles, pour le plus grand bonheur des joueurs.