Assassin's Creed: vers un retour des deux personnages jouables ?

AuteurArticle écrit par Vivien Reumont
|
date de publication09/12/2025

Et si l’avenir d’Assassin’s Creed passait par la dualité ? Après plusieurs années de tâtonnements narratifs et de bouleversements de gameplay, Ubisoft semble prêt à embrasser pleinement une structure à deux personnages jouables pour ses futurs opus. Un choix narratif et ludique qui a déjà fait ses preuves… ou ses détracteurs, selon les points de vue.

Avec Assassin’s Creed Shadows, la formule revient sur le devant de la scène via les personnages de Naoe et Yasuke, rappelant immédiatement les expériences passées avec Evie et Jacob dans Syndicate. Pourtant, cette approche ne fait pas l’unanimité. Certains y voient une richesse scénaristique, d’autres une fracture dans l'immersion. Dans une récente interview accordée à GamesRadar, Simon Lemay-Comtois, directeur associé, a laissé entendre que ce modèle pourrait devenir récurrent, si la narration le justifie.

Mais au-delà de cette potentielle standardisation du duo, Ubisoft semble aussi viser une refonte de l'expérience de jeu, notamment autour du parkour, autre pilier de la saga parfois mis à mal dans les derniers volets. Ce nouvel horizon annonce-t-il une évolution en profondeur ou une simple expérimentation passagère ?

 

Une mécanique déjà testée et divisive

Assassin’s Creed Syndicate : les débuts d’un duo

L’idée d’incarner deux personnages dans un jeu Assassin’s Creed n’est pas nouvelle. En 2015, "Syndicate" introduisait Evie et Jacob Frye, deux jumeaux aux personnalités très distinctes évoluant dans un Londres victorien en pleine révolution industrielle. Le jeu proposait une alternance fluide entre les deux protagonistes, chacun ayant ses propres compétences : Jacob, plus brutal, était taillé pour le combat, tandis qu’Evie brillait par sa discrétion et ses talents d’infiltration.

Cette dynamique à deux visait à enrichir l’expérience narrative et à offrir plus de variété dans le gameplay. Mais malgré cette ambition, les retours furent partagés. Certains joueurs ont apprécié la complémentarité et la fraîcheur apportées par ce système. D’autres ont, au contraire, trouvé que cela nuisait à la cohérence du récit, diluait l’attachement aux personnages, voire rompait l’immersion.

"Le duo Frye n'était pas déplaisant, mais j'avais l'impression de ne jamais vraiment m'investir totalement dans l'un ou l'autre." — témoignage fréquent chez les fans de la première heure.

Shadows : Naoe et Yasuke, un tandem clivant

Avec Assassin’s Creed Shadows, Ubisoft revient à cette formule du double protagoniste, cette fois dans un Japon féodal très attendu. L’alternance se fait entre Naoe, une kunoichi furtive, et Yasuke, un samouraï africain historiquement inspiré, chacun incarnant un pan très différent du gameplay.

Si le principe est séduisant sur le papier, les premières réactions sont déjà polarisées. Simon Lemay-Comtois, dans une interview accordée à GamesRadar, reconnaît cette division :

"Les histoires à deux protagonistes peuvent diviser de façon très étrange... Certaines personnes n'apprécient tout simplement pas un personnage plus que l'autre et n'aiment pas passer du temps avec l'un d'eux."

Ce constat lucide montre que, malgré les efforts de narration et d'équilibrage, la formule n’est pas universellement appréciée. Pourtant, Ubisoft semble prêt à assumer ce risque dans une optique de renouvellement.

 

Pourquoi Ubisoft envisage de continuer dans cette voie ?

Les avantages narratifs d’un double protagoniste

À première vue, proposer deux personnages jouables dans un même jeu peut sembler complexe. Mais pour Ubisoft, cette structure ouvre de nombreuses portes en matière de narration. Chaque protagoniste peut représenter un point de vue différent sur les événements, une culture distincte, une manière d'agir propre à son parcours. Cela permet de tisser un récit plus nuancé, plus riche, et potentiellement plus immersif.

Dans Assassin’s Creed Shadows, par exemple, Naoe et Yasuke incarnent deux approches opposées : l’un est ancré dans la tradition ninja, l’autre dans la force brute du samouraï. Ces deux visions ne sont pas que des styles de jeu : elles traduisent des tensions historiques, sociales et culturelles du Japon féodal, ce qui donne plus de profondeur au récit.

"Si nous avons une bonne raison de le faire sur le plan narratif et en fonction du contexte, alors oui, nous pourrions réaliser davantage de jeux à double protagoniste à l'avenir." — Simon Lemay-Comtois

Cette affirmation montre clairement qu’Ubisoft ne veut pas imposer la formule, mais l'utiliser quand elle sert véritablement l’histoire. Et c’est là que réside son potentiel : offrir des récits plus complexes, portés par des voix multiples.

Une stratégie de gameplay pour diversifier les expériences

Au-delà du storytelling, le double protagoniste est un levier puissant pour varier les mécaniques de jeu. En permettant au joueur d’alterner entre deux styles de combat, deux manières d’explorer le monde, deux rythmes de jeu, Ubisoft brise la monotonie et stimule constamment l’attention.

C’est aussi un moyen astucieux de répondre à une communauté hétérogène. Certains joueurs préfèrent les phases d’action frontale, d’autres les approches furtives. Pourquoi ne pas leur offrir les deux ? Cette flexibilité est aussi stratégique que ludique.

Cependant, cet équilibre reste fragile. Mal gérée, cette alternance peut devenir une source de frustration, notamment si l’un des deux personnages est perçu comme moins intéressant, ou si le joueur est forcé de suivre un chemin qui ne lui convient pas.

 

Le défi d’équilibrer deux héros

L’attachement inégal aux personnages

L’un des risques majeurs d’un jeu à double protagoniste, c’est l’attachement émotionnel déséquilibré. Les joueurs ont naturellement tendance à développer une préférence pour l’un des deux héros, que ce soit en raison de son style de jeu, de sa personnalité ou de son arc narratif. Et quand l’histoire impose des séquences avec le protagoniste "moins aimé", cela peut entraîner une baisse d'engagement.

C’était déjà perceptible avec Jacob et Evie Frye dans Syndicate. Bien que complémentaires, leurs différences ont parfois creusé un fossé chez les joueurs. Aujourd’hui, le constat est encore plus tranché avec Naoe et Yasuke. L’écart culturel, le contraste dans le gameplay, et même la réception très polarisée autour de Yasuke (personnage historique mais pas japonais) ont amplifié cette division.

"On le savait dès le départ, mais je pense que ça risque aussi de diviser un peu nos fans." — Simon Lemay-Comtois

Cette lucidité de la part du studio montre à quel point ce choix est à double tranchant. Créer deux héros crédibles, égaux en impact, et complémentaires tout en restant singuliers, est un exercice d’équilibriste que peu de licences maîtrisent vraiment.

Un risque de cassure dans l’immersion ?

L’autre écueil possible de cette structure, c’est la rupture dans la fluidité narrative. Chaque changement de personnage nécessite une transition scénaristique solide, un tempo cohérent, et une logique claire dans la progression. Si ces éléments sont mal gérés, le joueur peut avoir l'impression de passer constamment d’une histoire à l’autre, sans véritable fil conducteur.

Ce problème peut également toucher l’évolution du gameplay : équipement séparé, progression dissociée, ou missions trop spécifiques à un héros peuvent générer de la confusion ou de la lourdeur dans le rythme global.

Et surtout, cela oblige les développeurs à doubler presque chaque aspect du game design : dialogues, animations, compétences, arbres de progression… Ce qui, sans une parfaite coordination, peut affaiblir la qualité globale du jeu.

En somme, le duo de protagonistes est un pari narratif autant qu’un défi technique. Ubisoft semble prêt à le relever, mais les attentes des fans, elles, seront à la hauteur de cette ambition.

 

Les futurs Assassin’s Creed : quelle évolution pour le parkour ?

Des ambitions plus grandes pour la mobilité

Parmi les piliers historiques d’Assassin’s Creed, le parkour a toujours été une mécanique phare — parfois glorifiée, parfois critiquée. D’Altair à Ezio, en passant par Arno ou Bayek, la fluidité des déplacements verticaux et horizontaux représentait l'essence même du fantasme d'assassin. Pourtant, au fil des épisodes récents, cette mécanique a été mise au second plan, au profit d’un gameplay plus axé sur l’action-RPG.

Mais les choses pourraient bien changer, si l’on en croit Simon Lemay-Comtois. Toujours dans son interview à GamesRadar, il a mentionné une volonté claire des équipes d’Ubisoft de faire progresser le gameplay du parkour dans les futurs épisodes. Une déclaration qui pourrait réjouir les fans de la première heure, déçus par sa simplification dans Origins, Odyssey ou Valhalla.

Cette évolution pourrait marquer un retour à plus de verticalité, à des environnements pensés pour être escaladés de manière fluide, voire à une réinvention des contrôles pour les rendre plus dynamiques et intuitifs.

Vers un retour aux sources ou une refonte totale ?

Deux options semblent se dessiner : soit un retour aux bases classiques, inspiré de la trilogie Ezio ou de Unity, où le parkour était minutieux, précis et très visuel ; soit une refonte plus moderne, intégrant des éléments contextuels, des animations réactives et des mouvements plus organiques, proches de ceux vus dans les jeux récents comme Dying Light ou Mirror’s Edge Catalyst.

Cette refonte pourrait également permettre de différencier davantage les deux protagonistes, si Ubisoft continue sur cette voie. Imaginons un héros très agile, capable de se faufiler rapidement à travers les toits, tandis que l’autre serait plus lourd, mais capable d’interagir avec l’environnement d’une autre façon (briser des murs, utiliser des raccourcis spécifiques, etc.).

"Faire évoluer le parkour, c’est aussi retrouver ce sentiment de liberté, de maîtrise du terrain, qui faisait autrefois la magie de la série."

Ce retour en grâce du parkour pourrait donc accompagner une nouvelle philosophie de design chez Ubisoft : réconcilier modernité et ADN historique, pour mieux faire cohabiter anciens et nouveaux joueurs.

 


En quelques mots

Avec la possibilité de proposer à nouveau deux personnages jouables, Ubisoft relance un débat aussi passionné qu’ancien parmi les fans d’Assassin’s Creed. Si cette approche a le mérite d’offrir une richesse narrative et une variété de gameplay, elle comporte aussi des risques importants en matière d’immersion et d’attachement aux personnages.

L’interview de Simon Lemay-Comtois suggère une ouverture prudente à cette formule, à condition qu’elle serve le récit et l’univers du jeu. Ce n’est pas une règle imposée, mais une possibilité stratégique, à utiliser avec intelligence. D’autant plus qu’Ubisoft semble vouloir accompagner ce virage narratif d’une refonte du parkour, véritable marqueur identitaire de la licence.

En somme, l’avenir de la série semble prêt à combiner audace et retour aux sources. Mais comme toujours avec Assassin’s Creed, c’est le joueur qui tranchera, manette en main, si le saut de la foi en valait la peine.

Partager sur Facebook Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Partager sur Linkedin Partager sur WhatsApp Partager sur WhatsApp
Image de profil de l'entreprise

Ubisoft

Leader mondial du jeu vidéo, créateur de franchises emblématiques comme Assassin's Creed et Far Cry, offrant des expériences immersives et innovantes.

voir l'entreprise

Articles similaires

League Next: la refonte majeure de League of Legends prévue pour 2027 Nouvelles de l'industrie

22/12/2025

League Next: la refonte majeure de League of Legends prévue pour 2027

Riot Games dévoile League Next, une refonte totale de League of Legends prévue pour 2027. Graphismes, interface, moteur : tout change.

En voir plus
Sony: l'IA pourrait bientôt censurer vos jeux en temps réel Nouvelles technologies

22/12/2025

Sony: l'IA pourrait bientôt censurer vos jeux en temps réel

Sony développe une IA pour censurer en temps réel les scènes sensibles dans les jeux. Une innovation qui soulève de nombreuses questions.

En voir plus
Disqualification de Clair Obscur Expedition 33: l'IA en cause Nouvelles de l'industrie

22/12/2025

Disqualification de Clair Obscur Expedition 33: l'IA en cause

Clair Obscur: Expedition 33 perd ses prix aux Indie Game Awards 2025 pour usage d'IA. Une décision qui relance un débat brûlant.

En voir plus