Embracer Group: 1 857 licenciements et une restructuration historique

AutorArtículo escrito por Vivien Reumont
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Fecha de publicación20/06/2025
Montage promotionnel regroupant cinq personnages emblématiques issus de jeux vidéo de genres variés, chacun présenté dans une bande inclinée séparée. De gauche à droite : un voleur encapuchonné et masqué issu du jeu Thief, tenant une flèche dans un décor urbain sombre et médiéval ; Lara Croft, héroïne emblématique de Tomb Raider, représentée blessée et couverte de boue, armée d’un arc et en posture de survie ; Ash Williams, personnage central de Evil Dead: The Game, reconnaissable à sa chemise bleue et sa tronçonneuse rouge, affichant un regard déterminé ; Adam Jensen du jeu Deus Ex: Mankind Divided, avec lunettes noires, barbe taillée et un pistolet futuriste dans une main mécanique ; enfin, Handsome Jack, antagoniste principal de Borderlands 2, illustré dans un style cel-shading typique de la série, les bras croisés et un sourire arrogant. L’image met en avant la diversité des styles visuels et des genres, allant de l’horreur au RPG futuriste, en passant par l’action-aventure et le loot shooter, soulignant l’attrait intemporel de ces figures marquantes du jeu vidéo.

En l’espace d’un an, Embracer Group a procédé à une véritable hémorragie de ses effectifs. Ce jeudi, dans son rapport annuel couvrant la période de mars 2024 à mars 2025, la multinationale suédoise a officialisé une vague de licenciements touchant près de 1 857 personnes à travers l’ensemble de ses divisions. L’annonce, bien que prévisible à la lumière des rumeurs de restructuration qui circulaient depuis des mois, confirme un changement radical de stratégie pour le groupe, autrefois connu pour son appétit insatiable en matière d’acquisitions de studios.

Le ton est donné dès les premières lignes du rapport: « Cette année marque une transformation profonde de notre structure organisationnelle, avec des décisions difficiles mais nécessaires. » Embracer, qui abritait plus de 70 studios et plusieurs milliers d’employés, s’est engagé dans une réduction de voilure majeure qui pourrait redessiner durablement le paysage du jeu vidéo européen et international.

Entre réductions de personnel, fermetures de studios, et recentrage stratégique, l’année passée n’a pas été de tout repos pour l’un des géants du secteur. Penchons-nous sur les détails chiffrés de cette manœuvre brutale et ses répercussions.

 

Licenciements: chiffres et répartition

Volume global des suppressions de postes

Le chiffre fait froid dans le dos: 1 857 postes supprimés entre mars 2024 et mars 2025. Ce chiffre représente environ 22 % de l’effectif total d’Embracer Group, une coupe drastique révélatrice de l’ampleur du changement en cours. Ces licenciements ne sont pas anecdotiques: ils reflètent une volonté claire de restructuration visant à recentrer l’activité sur les pôles les plus rentables, et à réduire la dette du groupe.

Le rapport précise que les licenciements ont touché toutes les branches du groupe sans exception. De la production à la distribution, en passant par les fonctions support, personne n’a été épargné. Cette rationalisation massive s’inscrit dans un contexte de recentrage stratégique, mais aussi de nécessité budgétaire, alors que les ambitions initiales d’Embracer semblent avoir dépassé la réalité économique.

"Il ne s’agit pas uniquement de supprimer des postes, mais de garantir la pérennité de notre vision à long terme", déclare la direction dans son communiqué.

Baisse par division (PC/console, mobile, services/divertissement)

En décortiquant les données, on observe que la division PC et consoles, historiquement le pilier du groupe, est celle qui a subi le plus fort impact: elle est passée de 6 404 employés à 4 918, soit une perte de près de 1 500 postes. Ce segment, bien que central, est également celui qui demandait le plus d’investissements, notamment en R&D et marketing.

La branche mobile, quant à elle, a vu ses effectifs chuter de 1 081 à 743, confirmant une forme de désengagement sur ce marché pourtant porteur, mais saturé. Enfin, la division dédiée aux services et au divertissement (communication, streaming, licence de marque, etc.) est passée de 771 à 738 personnes, un recul plus modéré mais symptomatique d’un recentrage sur le cœur de métier.

Ces coupes s’ajoutent à une réduction massive des coûts opérationnels et visent à restaurer la compétitivité du groupe après une période d’expansion effrénée.

 

Réduction du nombre de studios

Passage de 73 à 62 studios: étude des fermetures/cessions

Dans le sillage de la réduction des effectifs, Embracer Group a également procédé à un net désengagement au niveau de ses studios de développement, passant de 73 à 62 entités en l’espace d’un an. Cette contraction de près de 15 % de son portefeuille de studios représente un tournant pour un groupe qui, il y a encore deux ans, achetait des structures à un rythme effréné.

Les fermetures ont principalement concerné des studios jugés non stratégiques ou insuffisamment rentables, souvent impliqués dans des projets secondaires ou en phase de pré-production. Certaines unités ont été tout simplement dissoutes, tandis que d'autres ont été revendues ou mises en pause. Parmi les exemples notables, des rumeurs évoquent des coupes dans des structures récemment acquises qui n’avaient pas encore délivré de résultats tangibles.

"Notre priorité a été de préserver les équipes ayant une forte valeur ajoutée ou un historique de performances stables", précise la direction dans son rapport.

Raisons et contexte stratégique (restructuration financière)

La cause principale de cette rationalisation est avant tout financière. Après une période d’expansion soutenue alimentée par des levées de fonds et un crédit bon marché, Embracer s’est retrouvé confronté à une réalité économique plus sévère: coûts de production en hausse, rentabilité en baisse, et des jeux moins performants que prévu sur le marché.

L’échec de plusieurs projets AAA, combiné à une rentabilité trop lente sur le secteur mobile, a mené à cette décision de réduction du risque opérationnel. En concentrant ses ressources sur des studios « clés », Embracer entend retrouver un modèle économique plus sain, recentré sur les franchises à haut potentiel.

"La croissance sans stratégie n’est plus viable. Notre nouvelle phase est celle de la consolidation et de la sélectivité."

 

Conséquences internes et externes

Conséquences RH, climat social, mobilisation des équipes restantes

Une telle vague de licenciements n’est jamais sans conséquence sur le plan humain. Chez Embracer, le climat social a été fortement ébranlé. De nombreux témoignages d’anciens salariés relayés sur les réseaux sociaux ou dans la presse spécialisée évoquent une atmosphère d’incertitude et de désillusion, où les décisions semblaient parfois abruptes, voire déconnectées des réalités de terrain.

Au sein des équipes encore en poste, l’effet est double: d’un côté, une perte de motivation et une crainte permanente d’être les prochains sur la liste ; de l’autre, une certaine mobilisation, voire une solidarité renforcée, pour tenir les objectifs avec des ressources réduites. Certains studios internes ont même dû reconfigurer complètement leurs pipelines de production pour tenir les délais avec des effectifs diminués.

"On ne sait plus trop à quoi s’attendre. On continue de bosser, mais la confiance est brisée", confiait récemment un développeur sous couvert d’anonymat.

Impact sur la production et le pipeline de jeux (annulations/délais)

Au niveau des projets en cours, les conséquences sont déjà visibles. Plusieurs jeux annoncés ou en développement chez Embracer ont été soit annulés discrètement, soit reportés à une date ultérieure. Dans certains cas, des titres très attendus se retrouvent désormais sans équipe dédiée complète, nécessitant des réorganisations internes ou le recours à l’externalisation.

Le pipeline de sorties prévu pour 2025 et 2026 pourrait donc être fortement perturbé. Même si le groupe affirme que les « projets clés » seront livrés comme prévu, des titres secondaires ou des prototypes ont été purement et simplement mis au placard. Cette sélection drastique reflète une stratégie de réduction des risques, mais aussi une perte potentielle d’innovation, certains concepts originaux ayant été abandonnés au profit de valeurs sûres.

L’image du groupe en ressort également écornée: partenaires, investisseurs, et joueurs expriment leur scepticisme face à une entreprise dont la croissance semblait irrésistible… avant de buter sur les dures lois du marché.

 

Regain de rentabilité et nouvelle stratégie

Indicateurs financiers après restructuration (profit net, EBIT)

Le principal objectif de cette vaste restructuration était sans équivoque: redresser la rentabilité d’Embracer Group. Si les licenciements et fermetures de studios ont fait l’effet d’un électrochoc, les premiers résultats financiers tendent à montrer une certaine efficacité de cette démarche.

Selon le rapport annuel, l’entreprise affiche un retour progressif vers un EBIT positif, avec une amélioration notable de la marge opérationnelle au dernier trimestre. La direction met en avant une réduction de 12 % des charges fixes par rapport à l’année précédente, principalement grâce aux suppressions de postes et à la concentration des efforts sur des studios plus performants.

Bien que la rentabilité globale reste encore fragile et que l’entreprise n’ait pas totalement renoué avec les profits massifs espérés au pic de sa croissance, le redressement semble amorcé, à condition de maintenir le cap sans nouvelles dérives.

"Nous sommes sur la bonne voie. Notre modèle économique est désormais plus agile, plus sélectif, et résilient face aux aléas du marché."

Vision pour les 3 entités à venir et recentrage sur la rentabilité

Embracer a annoncé son intention de restructurer ses activités autour de trois entités principales, chacune concentrée sur une partie spécifique de son portefeuille: les jeux premium, les jeux mobiles et les services de divertissement/transmédia. Cette division vise à clarifier les responsabilités, améliorer la lisibilité pour les investisseurs, et surtout, à adapter chaque entité à ses propres contraintes économiques.

Chaque branche sera pilotée par une direction autonome, avec des objectifs spécifiques, des budgets alloués sur des critères de rentabilité immédiate et un recentrage sur les franchises les plus rentables, telles que Dead Island, Tomb Raider ou encore Metro.

En parallèle, les ambitions d’expansion externe semblent mises en pause: plus aucune acquisition majeure n’est prévue à court terme, et la priorité est donnée à l’exploitation optimale des actifs existants. Cette nouvelle philosophie d’entreprise, plus prudente, cherche à regagner la confiance des marchés tout en limitant les risques d’une expansion trop rapide.

 


En quelques mots

L’année écoulée marque un tournant décisif pour Embracer Group. Passé en quelques mois d’un modèle d’expansion spectaculaire à une stratégie de recentrage radical, le groupe a dû faire face à ses propres excès. Avec 1 857 licenciements, 11 studios fermés et une transformation profonde de sa structure interne, l’entreprise suédoise donne un signal fort: celui de la survie avant la croissance.

Si ces mesures ont permis de stabiliser la situation financière et de poser les bases d’un avenir plus soutenable, elles laissent aussi derrière elles un paysage humain et industriel profondément chamboulé. L’effet domino sur la production, l’innovation, et la réputation du groupe ne pourra être effacé qu’avec le temps — et à condition que les prochaines étapes soient menées avec transparence et cohérence.

Le cas Embracer deviendra sans doute une étude emblématique de l’industrie du jeu vidéo moderne: un secteur où la croissance rapide peut se heurter brutalement aux réalités économiques, et où la consolidation n’est plus une option, mais une nécessité.

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