
Il y a des genres qu’on n’abandonne jamais vraiment. Pour beaucoup, les platformers 3D évoquent des souvenirs dorés de Banjo-Kazooie, Donkey Kong 64, ou plus récemment Super Mario Odyssey. Des jeux à la fois charmants, inventifs et parfois résolument frustrants. C’est justement cette fibre nostalgique qu’avait tenté de raviver Yooka-Laylee en 2017, avec plus ou moins de réussite. Sept ans plus tard, Yooka-Replaylee débarque sur PS5, non pas comme une simple remasterisation, mais comme une refonte complète d’un jeu qui avait autant de bonnes intentions que de maladresses.
Ce remake est-il une véritable renaissance ou juste un lifting bien maquillé ? En surface, Yooka-Replaylee promet d’avoir corrigé l’essentiel : caméra capricieuse, contrôles flous, progression poussive… tous les gros défauts semblent avoir été revus. Mieux encore, certains choix de design ont été repensés pour offrir une expérience plus fluide et agréable. Mais à quel prix ?
Si le duo lézard/chauve-souris conserve son capital sympathie, on ne peut ignorer le paradoxe central de cette nouvelle version : réparer un jeu rétro qui, déjà à sa sortie, était une tentative nostalgique de recréer un âge d’or passé. Loin d’atteindre les sommets d’un Astro Bot ou d’un Mario, ce Replaylee parvient-il malgré tout à justifier son existence ? C’est ce que nous allons explorer dans ce test complet.
Du remaster à la réinvention
Ce que promet Replaylee
À première vue, Yooka-Replaylee pourrait facilement être confondu avec une simple version améliorée de l’original de 2017. Pourtant, il s’agit d’un remake complet, repensé pour corriger les erreurs de jeunesse de Playtonic Games. Le jeu promet une refonte des mécaniques de gameplay, une caméra modernisée, des contrôles plus précis, une interface plus lisible et surtout, une progression beaucoup moins linéaire. Tout cela s’ajoute à un nouveau système de déplacement rapide, à des cartes retravaillées, et à un doublement du nombre de collectibles (les fameuses Pagies) à trouver dans chaque niveau.
L’ambition est claire : transformer un jeu sympathique mais frustrant en une aventure plus agréable, cohérente et fluide. Yooka-Replaylee n’est donc pas juste un patch cosmétique ; c’est une tentative sincère de revisiter le projet original sous un jour plus favorable.
Par rapport à l’original
Ceux qui ont joué à Yooka-Laylee s’en souviennent : malgré son charme et ses intentions louables, le titre souffrait de multiples tares. Caméra imprévisible, déplacements glissants, obstacles mal équilibrés et un rythme saccadé faisaient de l’expérience un retour frustrant aux années 90. Dans Replaylee, beaucoup de ces erreurs ont été effacées sans nostalgie inutile.
Les éléments qui fonctionnaient (univers coloré, personnages décalés, ambiance cartoon assumée) ont été conservés, tandis que les éléments plus faibles (mini-jeux pénibles, dialogues trop bavards, ennemis anecdotiques) ont été réduits voire supprimés. On sent que l’équipe a pris le temps de faire le tri entre “ce qui faisait plaisir” et “ce qui cassait le plaisir”. C’est une vraie démarche de refonte, plus proche d’un remake à la Crash Bandicoot N. Sane Trilogy qu’à un simple upscaling graphique.
Mais avec cette refonte survient un paradoxe : à trop vouloir réparer, Replaylee risque de devenir une chimère hybride, coincée entre fidélité nostalgique et modernisation un peu brute. Et ce n’est que le début de ce que nous allons découvrir.
Gameplay et sensations

Mouvement, contrôle, caméra
Dès les premières minutes, une évidence s’impose : Yooka-Replaylee se joue mieux. Fini les sauts flottants, les collisions bizarres et cette maudite caméra qui donnait l’impression de lutter contre un frisbee possédé. Désormais, les déplacements sont précis, fluides, et la caméra, sans être parfaite, ne vient plus saboter l’expérience à chaque virage.
Le plus gros compliment qu’on puisse faire ici ? On n’y pense plus. Et c’est bien. Les rares moments où l’on doit manuellement repositionner la vue ne transforment plus l’exploration en gymnastique mentale, et les échecs dans les phases de plateforme sont maintenant dus à nos erreurs, pas à un système bancal.
Le gameplay repose toujours sur une palette de mouvements classiques du genre : roulades, sauts, attaques tournoyantes, planage. Des mécaniques comme la consommation d’orbes pour obtenir des pouvoirs temporaires (cracher du feu, geler, voler) sont toujours là, mais fonctionnent désormais sans accrocs techniques ni imprécision punitive.
Collectibles, niveau de défi et rythme
Avec 50 Pagies par niveau, contre 25 dans la version originale, le jeu prend un virage à la Super Mario Odyssey. Au lieu de rares récompenses bien planquées, on enchaîne les découvertes, avec des Pagies parfois cachées derrière un mini-jeu ou un boss, parfois juste… posées là. Cette surabondance altère la valeur de chaque découverte, mais procure une dopamine constante, idéale pour les joueurs “complétionnistes”.
Côté combat, le constat est plus mitigé. Si les contrôles sont plus réactifs, les ennemis manquent d’agressivité, et les affrontements se résument souvent à spammer l’attaque tornade jusqu’à ce que tout le monde disparaisse. Le jeu ne dépasse que très rarement le stade du “défi léger”, et ce, même dans les boss fights.
Les puzzles, eux, sont basiques. Aucune énigme ne nécessite plus qu’un peu d’observation ou de logique élémentaire. Et comme Replaylee vous donne dès le début toutes les compétences, il n’y a plus vraiment de montée en puissance. L’exploration devient alors plus rapide, certes, mais aussi plus monotone à long terme, car moins stratifiée.
Structure du monde et rejouabilité
Architecture des niveaux et accès libre
L’un des changements les plus radicaux dans Yooka-Replaylee concerne la manière dont on explore les niveaux. Fini la progression verrouillée par l’acquisition progressive de pouvoirs ou le déblocage de sections : désormais, chaque niveau est entièrement accessible dès le départ. Vous commencez le jeu avec toutes les capacités principales en main, et vous pouvez explorer les cinq grands mondes dans l’ordre de votre choix, à votre rythme.
Ce choix rend l’expérience beaucoup plus fluide. Les interruptions du type “reviens plus tard quand tu auras débloqué X capacité” ont disparu, et c’est tant mieux. De plus, une carte interactive accompagnée d’un système de fast travel permet de se téléporter facilement d’un point à un autre, évitant ainsi les aller-retours fastidieux du passé.
Les Pagies sont listées dans un menu avec des cases à cocher pour suivre votre progression, un vrai plus pour les complétionnistes. Mais attention : les fragments de Pagie ne sont pas tous visibles sur la carte, ce qui peut vite devenir frustrant lorsqu’il vous en manque un ou deux et que vous fouillez en vain chaque recoin.

Problèmes de structure / effets secondaires
Mais cette liberté accrue n’est pas sans conséquences. En explorant les deux premiers mondes à fond, il est tout à fait possible d’amasser assez de Pagies pour accéder au boss final… sans jamais visiter les autres niveaux. Ce qui peut aboutir à une situation étrange : terminer l’histoire en 4 heures, puis revenir pour explorer les zones restantes après le générique de fin.
Ce découpage brisé nuit clairement à la tension narrative. Certains dialogues font référence à des événements que vous n’avez même pas encore vécus. Cela crée un sentiment de décalage qui affaiblit l’impact du récit et diminue la satisfaction liée à la progression.
Autre dommage collatéral : les personnages secondaires perdent en importance. Trowzer le serpent, par exemple, n’est plus qu’un vendeur optionnel, alors qu’il incarnait auparavant une progression bien rythmée à travers ses ventes de compétences. Dr. Quack, lui, voit ses quiz complètement supprimés – une décision compréhensible vu leur inutilité, mais qui laisse un vide narratif. Le résultat ? Un monde moins vivant, moins bavard… mais aussi moins attachant.
En voulant gommer les frustrations de 2017, Playtonic a aussi gommé une partie de la personnalité du jeu.
Direction artistique, audio, technique

Une esthétique modernisée
Sur le plan visuel, Yooka-Replaylee est clairement passé à un autre niveau. L’amélioration graphique est immédiatement visible : les textures sont plus nettes, les environnements plus riches, et l’éclairage a été considérablement retravaillé. Fini les zones trop sombres où l’on devinait à peine où poser les pieds ; désormais, chaque monde est lumineux, coloré, et lisible.
Les personnages bénéficient aussi d’un traitement plus expressif. Yooka et Laylee affichent désormais des mimiques qui rendent leurs interactions plus vivantes, même si le style cartoon reste volontairement exagéré et “kitsch”. Le design général reste fidèle à l’esprit Rare-esque : surchargé de créatures loufoques et de décors bigarrés, avec une dose d’humour volontairement ringard.
On note aussi la présence de cosmétiques pour personnaliser nos héros, un ajout purement esthétique mais qui ajoute un peu de fraîcheur lors de l’exploration.
Audio et bande-son
Musicalement, le jeu reste dans la veine de son prédécesseur. La bande-son, composée en partie par des vétérans du genre (comme Grant Kirkhope, déjà à l’œuvre sur Banjo-Kazooie), reste accrocheuse, pleine de motifs entêtants, et surtout parfaitement en accord avec chaque environnement.
Les bruitages cartoon sont toujours là, avec des sons exagérés pour chaque action : saut, roulade, collecte d’un Pagie… Ils participent à l’ADN rétro du titre, même si certains joueurs pourront trouver l’ensemble un peu envahissant au bout de plusieurs heures.
Pas de doublages classiques ici : les personnages parlent dans un charabia rigolo, comme c’était la mode sur N64. C’est une touche de nostalgie volontairement assumée, mais qui peut devenir répétitive si l’on enchaîne de longues sessions.
Bugs, performances, instabilités
C’est ici que le bât blesse. Malgré tous ses efforts pour se moderniser, Yooka-Replaylee souffre de problèmes techniques notables. Le plus récurrent : des chutes de framerate, notamment pendant certains boss ou scènes d’action chargées. Sur PS5, c’est d’autant plus regrettable qu’on s’attendait à une stabilité irréprochable.
En plus des ralentissements, le jeu peut subir des crashs soudains, certes peu fréquents, mais assez irritants. Heureusement, aucun bug bloquant de type “personnage coincé dans le décor” n’a été rencontré pendant nos sessions. Un progrès par rapport à l’opus original, mais qui ne gomme pas totalement le sentiment d’un jeu encore un peu instable, surtout dans les zones les plus vastes ou détaillées.
En résumé : visuellement, c’est un bond en avant. Techniquement, c’est encore un peu boiteux.
Pour qui ce jeu ?
Les fans de l’original et de nostalgie
Si vous aviez une affection particulière pour Yooka-Laylee, malgré ses maladresses, Replaylee a de bonnes chances de vous séduire. Il conserve le ton léger, les personnages absurdes, et cette ambiance qui transpire l’hommage à la N64 et à Banjo-Kazooie. Les améliorations apportées rendent cette version bien plus agréable à parcourir, et les collectionneurs dans l’âme auront de quoi faire avec les 250 Pagies à réunir.
Cela dit, il ne faut pas s’attendre à une révolution. Replaylee corrige l’ancien jeu, mais ne dépasse jamais son cadre. Si vous êtes du genre à chercher des mécaniques innovantes, des narrations audacieuses ou des idées de gameplay neuves, vous resterez sur votre faim. L’hommage est là, mais il est parfois trop figé dans le passé.
Les nouveaux joueurs / néophytes
Pour ceux qui découvrent cette licence, le remake pourrait sembler... étrange. Pourquoi ? Parce qu’il propose un gameplay résolument daté, même dans sa version améliorée. Les mécaniques sont simples, les combats redondants, et l’univers – aussi charmant soit-il – ne raconte pas grand-chose si l’on n’a pas joué à l’original.
Comparé à des titres modernes comme Astro Bot Rescue Mission ou même Ratchet & Clank: Rift Apart, Yooka-Replaylee semble parfois désuet, voire hors du temps. Il manque cette inventivité qui caractérise les platformers récents.
En revanche, pour les plus jeunes ou les joueurs occasionnels, il peut offrir une porte d’entrée douce vers le genre, avec une difficulté accessible et un contenu généreux. Un bon premier jeu de plateforme, mais pas le plus inspiré.
Rapport qualité / prix / intérêt
La durée de vie est respectable : une dizaine d’heures pour l’histoire, et le double pour tout compléter. Mais est-ce suffisant ? Le jeu a beau être moins frustrant que l’original, il laisse malgré tout une impression de déjà-vu, d’expérience recyclée qui aurait pu être une nouvelle aventure plutôt qu’une chirurgie lourde sur un jeu moyen.
Le prix d’achat sera donc déterminant. À tarif réduit, c’est un bon moment pour les nostalgiques ou les curieux. Plein pot, l’investissement mérite réflexion, surtout dans un marché où les excellents platformers 3D ne manquent pas.
Points positifs et négatifs
✅ Ce qu’on a aimé
- Contrôles et caméra largement améliorés : on joue enfin sans s’énerver.
- Refonte complète de la structure du jeu : tous les pouvoirs dès le départ, exploration libre.
- Design des mondes plus lisible, coloré et agréable à explorer.
- Carte interactive avec checklist : un vrai plus pour les complétionnistes.
- Bande-son toujours aussi accrocheuse, fidèle à l’héritage Rare.
- Contenu généreux : 250 Pagies, plusieurs mondes, des mini-jeux, des boss.
❌ Ce qu’on a moins aimé
- Framerate instable et quelques crashs sur PS5, malgré le lifting technique.
- Difficulté quasi inexistante : combats trop simples, puzzles élémentaires.
- Trop de collectibles facilement accessibles : perte de valeur et de récompense.
- Narration affaiblie par la liberté d'exploration et la suppression de certains personnages/événements.
- Peu d’originalité ou d’innovation : un hommage qui reste figé dans le passé.
- Possibilité de finir le jeu trop vite, en zappant une bonne partie du contenu.
En somme, Yooka-Replaylee améliore quasiment tout ce qui posait problème, mais le résultat reste une aventure compétente, sans être indispensable.
En quelques mots
Yooka-Replaylee est un étrange paradoxe vidéoludique. À la fois meilleur à tous les niveaux que l’original et pourtant toujours en dessous des standards modernes du genre, il incarne ce que peut devenir un jeu lorsqu’on tente de le “sauver” sans totalement le réinventer.
Grâce à une caméra maîtrisée, des contrôles précis, une progression libre et une direction artistique revue à la hausse, ce remake réussit à corriger l’essentiel de ce qui rendait Yooka-Laylee pénible en 2017. On prend plaisir à explorer, à collecter, à se perdre dans des mondes bariolés… du moins pendant un temps.
Mais cette renaissance technique ne suffit pas à masquer un problème fondamental : le manque d’âme neuve. Yooka-Replaylee reste une expérience générique, trop ancrée dans la nostalgie, et trop timide pour vraiment innover. Le plaisir est là, mais la magie, elle, se fait attendre.
À recommander aux fans de platformers rétro, aux amateurs de collectionnite aiguë, ou à ceux qui cherchent une aventure sans prise de tête.
Mais face à des mastodontes comme Astro Bot, Donkey Kong Banana, ou même Sackboy: A Big Adventure, difficile de ne pas le voir comme un remake qui arrive trop tard, et va trop peu loin.