
Avec Active Matter, le studio basé derrière ce projet (publié par Gaijin) nous plonge dans un univers où le shooter d'extraction classique flirte avec l'horreur quantique. Disponible en Early Access sur PC, le jeu ne cherche pas à séduire avec des tutoriels douillets ou une progression linéaire rassurante. Ici, vous êtes projeté dans une boucle sans fin, envoyé encore et encore dans des zones instables pour récolter une ressource aussi dangereuse que précieuse : la “matière active”.
Dès les premiers instants, Active Matter impose un ton : sérieux, sombre, dérangeant. L’équipement militaire réaliste côtoie des distorsions de l’espace-temps, et chaque mission ressemble plus à une mission suicide qu’à une promenade de santé. C’est dans ce cadre que nous avons réalisé ce test : pour voir ce que Active Matter a dans le ventre aujourd’hui, en Early Access, et surtout ce qu’il pourrait devenir demain.
Nous avons exploré ses mécaniques d’infiltration, ses anomalies environnementales, son arsenal, son modèle économique et ses failles techniques pour vous livrer une analyse complète. Spoiler : c’est parfois frustrant, souvent fascinant, et définitivement unique dans le paysage des shooters tactiques.
Univers & ambiance : du militaire au cosmique

Le dispositif narratif : boucle temporelle & zones instables
Active Matter ne vous tient pas la main pour raconter son histoire. L’univers se dévoile plutôt par les sensations et les situations, qu’à travers de longs dialogues ou cinématiques. Vous incarnez un opérateur qui revient sans cesse dans des zones appelées “quantum-unstable”, où la réalité se disloque et se reforme de manière imprévisible. Ce choix de boucle temporelle sert à la fois de justification narrative et de prétexte ludique : chaque mission est à la fois similaire et radicalement différente.
Ce concept renforce une tension constante : vous savez que vous êtes dans un cycle, mais vous ignorez toujours ce que vous allez affronter. Le lore, volontairement cryptique, s'inspire autant des récits de Lovecraft que des univers de Stalker ou Annihilation, avec ce soupçon de technologie militaire réaliste qui ancre le tout dans une forme de crédibilité glaçante.
"Le vrai monstre n’est pas la créature qui vous guette, mais la carte elle-même."
L’ambiance visuelle et sonore : entre réalisme et étrangeté
Visuellement, Active Matter se distingue par un style à mi-chemin entre le militaire brut et le cauchemar surréaliste. Les environnements sont d’une brutalité industrielle, puis soudainement disloqués par des anomalies où la gravité se tord, les murs flottent et les ombres prennent des formes impossibles.
Les effets de lumière, souvent tamisés ou étouffés, renforcent cette impression d’hostilité constante. Il ne s’agit pas de beauté, mais d’inconfort artistique. Le son, quant à lui, est un atout majeur : respirations étouffées dans le casque, grésillements radio, hurlements lointains et musiques ambient inquiétantes plongent le joueur dans un état de vigilance extrême.
C’est ce mélange entre le tangible et l’étrange qui donne à Active Matter une identité visuelle et sonore singulière, bien plus marquante que nombre de ses concurrents dans le genre.
Mécaniques & loop de gameplay
Phase d’infiltration, collecte & extraction (PvPvE)
La boucle de gameplay d’Active Matter est à la fois classique et impitoyable. Le cœur du jeu repose sur une structure PvPvE en trois temps : infiltration dans une zone instable, collecte de ressources (dont la précieuse “active matter”), puis exfiltration sous haute tension. C’est un système qui rappelle des titres comme Escape from Tarkov ou The Cycle: Frontier, mais Active Matter ajoute une dimension supplémentaire : l’imprévisibilité du décor lui-même.
Chaque mission est un pari. Vous entrez dans la zone avec un objectif et une stratégie, mais vous êtes rarement en contrôle. Il faudra fouiller les ruines, éviter les anomalies, combattre d’autres escouades (joueurs ou IA), puis sortir vivant. Et c’est là que le jeu frappe fort : les situations évoluent rapidement et aucun run ne ressemble au précédent. Un joueur avisé devra jongler entre la discrétion, l'agressivité et l'opportunisme.
Le rythme est tendu, voire anxiogène : la moindre erreur peut coûter l’intégralité du butin accumulé, ce qui rend chaque décision cruciale. Et chaque run, même ratée, devient une leçon pour la suivante.
Anomalies, gravité altérée, géométrie fracturée : le terrain comme ennemi

Mais là où Active Matter se distingue vraiment, c’est dans la conception de ses cartes. Ici, le terrain est un piège mouvant. Vous devez composer avec des anomalies spatiales imprévisibles : zones de gravité inversée, murs qui se dupliquent, corruptions qui engloutissent les créatures et les joueurs.
Certaines équipes expérimentées n’hésitent pas à retourner ces dangers à leur avantage, attirant d'autres joueurs vers des zones instables pour provoquer leur perte. D'autres, moins chanceuses ou trop pressées, se font happer sans comprendre ce qui s’est passé.
Ce jeu avec la réalité transforme Active Matter en une expérience presque tactique-survivaliste, où la carte n’est pas un simple décor mais un adversaire à part entière. Cela introduit une variété et une tension qui manquent souvent aux shooters d’extraction plus classiques.
Arsenal, équipements & options tactiques
Armes réelles et outils dérivés
Le design de l’arsenal dans Active Matter privilégie la véracité opérationnelle. Pas de fusils futuristes à plasma ou d’armes à rayon, ici : le jeu propose des équipements militaires classiques et crédibles, comme des fusils d’assaut, des pistolets, des fusils à pompe, mais aussi des armes blanches rudimentaires, souvent indispensables dans les confrontations rapprochées.
Chaque arme a un poids, un recul, une cadence et une sensation propre. Le maniement est exigeant, surtout sous la pression constante du jeu. On sent que Active Matter s’adresse aux amateurs de sensations brutes, où chaque tir compte et où le son de votre propre fusil peut devenir une alerte pour d’autres escouades.
Mais cette sobriété n’empêche pas une vraie richesse tactique. Certains outils permettent d’analyser les anomalies, d’autres de poser des pièges, voire de manipuler l’environnement instable. On est loin du simple FPS, et plus proche d’une simulation militaire psychédélique.
Drones, véhicules, objets utilitaires
La diversité du matériel ne s’arrête pas aux armes. Active Matter propose une panoplie d’équipements secondaires qui enrichissent grandement les approches possibles. Les drones, par exemple, permettent de repérer les zones dangereuses ou d’anticiper les mouvements ennemis. Ils deviennent essentiels dans les parties à haut risque.
Les véhicules ne sont pas omniprésents, mais quand ils apparaissent, ils changent la dynamique d’un run : extraction rapide, transport de ressources, ou embuscades mobiles. Cependant, leur utilisation est risquée : ils attirent l’attention et sont vulnérables aux anomalies.
Côté utilitaires, on retrouve des objets plus classiques mais utiles : trousses de soin, capteurs, boucliers temporaires... Mais aussi des gadgets plus étranges, issus de la science instable du monde d’Active Matter. Certains peuvent influencer l’environnement lui-même, ouvrant la porte à des stratégies de haut niveau.
"Dans Active Matter, votre chargeout ne détermine pas juste vos chances de survie, mais la façon dont vous redéfinissez les règles du jeu."
Les défis techniques & limites de l’Early Access
Matchmaking, stabilité, bugs visuels
Comme beaucoup de titres en accès anticipé, Active Matter ne cache pas ses imperfections. L’une des premières frustrations rencontrées est un système de matchmaking encore capricieux : certaines sessions mettent du temps à se lancer, et le regroupement avec des amis peut nécessiter plusieurs tentatives. Si l’on joue seul, ce n’est pas dramatique. Mais pour ceux qui comptent sur des runs coordonnés en équipe, ces soucis viennent casser l’élan.
En jeu, la stabilité générale reste acceptable, mais des chutes de framerate ou des petits crashs peuvent surgir, surtout dans les zones fortement altérées par les anomalies. L’ambition visuelle et systémique du titre se heurte parfois aux limites techniques : affichage tardif de textures, effets graphiques qui déraillent, ou sons qui se décalent.
Ces bugs ne ruinent pas l’expérience, mais ils brisent l’immersion, ce qui est particulièrement dommage dans un jeu qui mise autant sur son ambiance. On sent que l’ossature est solide, mais que le vernis est encore en train de sécher.
Équilibrage en cours & gestion de la progression
Le gameplay de Active Matter est complexe, et cela se ressent aussi dans son équilibrage en perpétuelle évolution. Certaines armes sont clairement au-dessus du lot, certains outils inutilisables dans leur état actuel, et les anomalies trop aléatoires pour qu’un joueur puisse vraiment anticiper les risques de manière fiable.
La gestion de la progression est elle aussi perfectible : les récompenses sont parfois déséquilibrées, et certains joueurs peuvent se retrouver à grinder plus qu’à explorer, en contradiction avec la philosophie initiale du jeu. À noter aussi que l’économie interne est encore floue, avec peu de clarté sur ce que l’on débloque, pourquoi, et à quel rythme.
"C’est un prototype ambitieux, mais un prototype tout de même."
Ces failles sont normales dans un Early Access, mais elles doivent être corrigées rapidement si Active Matter veut fidéliser une communauté sur le long terme.
Monétisation & modèle économique : espoir ou danger ?
L’implication de l’éditeur
Le simple nom de l’éditeur, Gaijin Entertainment, suffit à susciter des réactions mitigées dans la communauté. Connu pour des titres comme War Thunder, Gaijin traîne derrière lui une réputation parfois controversée, notamment sur ses pratiques de monétisation jugées intrusives ou trop agressives. Dès lors, l’arrivée d’Active Matter en Early Access sous sa bannière a immédiatement éveillé les soupçons des joueurs les plus avertis.
Pour l’instant, la monétisation est modérée mais présente : des éléments payants sont déjà en place, et le modèle économique semble orienté vers un système à long terme mêlant boutique interne, contenu cosmétique et peut-être des boosts d’expérience ou d’acquisition de ressources. Rien de toxique dans l’état actuel, mais le potentiel glissement vers un système trop gourmand est bien réel.
"Ce n’est pas parce que le piège ne s’est pas refermé qu’il n’est pas en place."
Risques pour la confiance de la communauté
Dans un jeu où l’investissement en temps et en tension émotionnelle est élevé, la confiance est capitale. Et c’est précisément là que réside le danger : si Gaijin ou les développeurs dérivent vers un modèle pay-to-win, ou même simplement trop incitatif à l’achat, cela pourrait fracturer la base de joueurs.
À l’inverse, une monétisation éthique, transparente et limitée à des éléments purement cosmétiques pourrait être un vrai facteur de différenciation dans un marché saturé de modèles économiques douteux. La balle est dans leur camp, mais les joueurs observent attentivement.
Pour l’instant, le jeu vend un accès à un concept encore en maturation. Mais ce qu’il vendra demain — et comment — pourrait définir son avenir autant que ses mécaniques de jeu.
Verdict & potentiel : entre prototype prometteur et chantier
Ce qui fonctionne très bien
Active Matter est avant tout un jeu à identité forte. Dans un genre saturé de clones et de recettes éprouvées, il ose fusionner réalisme militaire et horreur quantique, un pari risqué mais largement gagnant sur le plan de l’immersion. Le sentiment d’hostilité constante, l’environnement vivant et traître, ainsi que la nervosité des runs offrent une expérience unique, à la fois tactique et psychologique.
La variété des outils, la verticalité du gameplay et l’intelligence du level design permettent à chaque session de raconter une histoire différente. Ce n’est pas juste un jeu d’action, mais un générateur de récits improvisés, parfois dramatiques, parfois absurdes, toujours intenses.
Et malgré ses défauts, Active Matter est fun à jouer. Son système PvPvE, combiné à la menace des anomalies, crée une boucle addictive. C’est le genre de jeu où l’on se dit "encore une" à 2h du matin, parce qu’on veut comprendre comment dompter l’imprévisible.
Ce qu’il reste à polir
Mais soyons honnêtes : le jeu est loin d’être terminé. Les bugs techniques, les problèmes de matchmaking, l’équilibrage encore approximatif, tout cela freine parfois l’élan du joueur. Il manque aussi une interface plus fluide, des didacticiels plus clairs, et une meilleure communication autour des objectifs et des récompenses.
La question de la monétisation, elle, reste un spectre en suspens. Pour l’instant inoffensif, il pourrait à tout moment devenir un obstacle à l’immersion, voire à l’équité entre les joueurs.
Enfin, si Active Matter veut véritablement s’imposer, il devra enrichir son contenu de manière régulière : nouvelles zones, nouveaux équipements, nouvelles mécaniques environnementales… le potentiel est immense, mais il doit être cultivé avec rigueur et passion.
Points positifs et négatifs
Les forces clés du jeu
- Ambiance unique et marquante : la fusion entre réalisme militaire et horreur quantique crée une atmosphère inédite.
- Gameplay PvPvE tendu et intelligent : chaque run est imprévisible, et le terrain devient un adversaire en soi.
- Outils variés et tactiques : entre drones, véhicules et gadgets, les approches sont multiples et adaptées à différents styles.
- Design sonore et visuel immersif : l’audio spatial, les effets de lumière et les anomalies renforcent la tension.
- Un concept prometteur : Active Matter innove là où beaucoup se contentent de copier.
Les aspects à surveiller
- Problèmes de matchmaking et stabilité : temps de connexion, bugs et performances sont encore trop fluctuants.
- Équilibrage parfois incohérent : certaines armes ou mécaniques sont surutilisées ou sous-performantes.
- Monétisation à surveiller : Gaijin n’a pas toujours brillé par sa discrétion, et la communauté reste méfiante.
- Accessibilité limitée : absence de tutoriels clairs ou d’aides pour les nouveaux joueurs.
- Manque de contenu à ce stade : bien que prometteur, le jeu reste encore "maigre" en diversité de cartes et missions.
En quelques mots
Active Matter est un pari audacieux qui ne plaira pas à tout le monde — et c’est très bien comme ça. Il refuse les conventions, impose son rythme, et vous enferme dans un cauchemar stratégique où chaque décision compte. À mi-chemin entre l’extraction shooter nerveux et l’expérience sensorielle perturbante, il propose une approche originale, bien qu'encore brute.
Oui, c’est un jeu en chantier. Oui, il souffre de bugs, de déséquilibres et de choix économiques à surveiller. Mais malgré tout, il y a là une proposition sincère, innovante et immersive, qui vaut déjà le détour pour les curieux, et surtout pour les passionnés de gameplay émergent et d'univers dérangeants.
Pour qui ? Les joueurs qui aiment les expériences exigeantes, les ambiances étranges, et qui n’ont pas peur de se jeter dans l’inconnu.
À éviter si… Vous cherchez une progression claire, un gameplay lisse ou une expérience solo purement narrative.