Naughty Dog et le crunch sur Intergalactic: une culture toxique révélée

AutorArtículo escrito por Vivien Reumont
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Fecha de publicación19/12/2025

Naughty Dog, l’un des studios les plus acclamés de l’industrie vidéoludique, s’est forgé une réputation grâce à des chefs-d’œuvre tels que The Last of Us et Uncharted. Pourtant, cette réputation est aujourd’hui entachée par des révélations préoccupantes sur les conditions de travail internes. Au cœur de la tempête : Intergalactic: The Heretic Prophet, une nouvelle licence très attendue mais jusqu’ici entourée de mystère.

Selon un rapport publié par le journaliste Jason Schreier pour Bloomberg, le studio aurait rendu les heures supplémentaires obligatoires pour ses développeurs, afin de finaliser une démo du jeu. Une décision qui soulève à nouveau la question du crunch dans l’industrie du jeu vidéo — ce phénomène de surcharge de travail souvent dénoncé mais rarement éradiqué.

L'article met en lumière une réalité que Naughty Dog semble partager avec d'autres géants du secteur : une pression constante pour livrer un produit à la hauteur des attentes, quitte à compromettre le bien-être de ses employés. Alors que le studio reste discret sur son projet, les témoignages internes jettent une lumière crue sur les méthodes employées pour accélérer la production.

 

Contexte : Intergalactic et les attentes autour du nouveau projet

Présentation d’Intergalactic: The Heretic Prophet

Intergalactic: The Heretic Prophet a été officiellement annoncé il y a environ un an, marquant une étape cruciale pour Naughty Dog : celle du renouveau créatif en dehors de ses franchises phares. Ce projet est la première véritable nouvelle licence du studio depuis plus d'une décennie. Très peu d’informations concrètes ont été divulguées depuis cette annonce, renforçant l’aura de mystère autour du titre.

Ce que l’on sait pour l’instant tient en quelques mots : il s’agirait d’un jeu d’action-aventure à forte composante narrative, dans un univers de science-fiction original, mêlant questionnements philosophiques et conflits galactiques. Le titre laisse entrevoir un personnage principal au cœur d’un culte cosmique, tiraillé entre foi et rébellion — une orientation audacieuse qui confirme la volonté de Naughty Dog d'explorer des terrains plus conceptuels.

Silence médiatique et pression autour d’une nouvelle licence

Depuis son annonce, Intergalactic s’est fait extrêmement discret. Aucun trailer, aucun teaser officiel, aucune conférence dédiée. Ce silence radio a alimenté les spéculations, mais aussi la pression en interne : comment répondre aux attentes quand on succède à des jeux qui ont marqué une génération entière ?

Naughty Dog n’a pas l’habitude de livrer des demi-mesures. Chaque nouvelle sortie est scrutée, disséquée, encensée ou critiquée avec une intensité rare. Pour un projet aussi ambitieux que Intergalactic, l’enjeu est double : convaincre à la fois les fans de longue date et un public plus large amateur de science-fiction.

Face à ces attentes, le studio aurait intensifié ses efforts en coulisses, jusqu’à imposer un rythme de travail que plusieurs employés jugent difficilement soutenable.

 

Heures supplémentaires obligatoires : ce que révèle Bloomberg

Décision du studio et obligation d’heures supplémentaires

Dans un article publié par Bloomberg, Jason Schreier, bien connu pour ses enquêtes sur les dérives de l’industrie vidéoludique, a levé le voile sur une pratique controversée au sein de Naughty Dog : les heures supplémentaires imposées à l’ensemble de l’équipe de développement d’Intergalactic: The Heretic Prophet.

Selon plusieurs sources internes, la direction du studio a instauré cette mesure dès la fin du mois d’octobre, exigeant un minimum de huit heures supplémentaires par semaine de la part de chaque employé. Ces heures étaient strictement encadrées, devant être consignées dans un tableur Excel mis à disposition par la hiérarchie. Le plafond était fixé à 60 heures de travail hebdomadaire, soit l’équivalent d’une journée et demie supplémentaire chaque semaine.

Cette directive avait pour objectif de permettre la finalisation d’une démo interne du jeu, probablement en vue d’une présentation à des investisseurs ou à des partenaires stratégiques. Mais cette politique a soulevé une vive inquiétude en interne, relançant les accusations de crunch forcé qui avaient déjà éclaboussé le studio lors du développement de The Last of Us Part II.

Détails des conditions imposées (60 h/semaine, tableurs, retour au bureau)

L’article précise également un changement majeur dans la politique de télétravail : alors que les employés étaient jusqu’ici tenus de venir au bureau trois jours par semaine, la nouvelle directive imposait une présence physique au studio cinq jours sur sept. Pour beaucoup, ce changement soudain a bouleversé leur organisation personnelle.

Des développeurs, sous couvert d’anonymat, ont déclaré avoir dû trouver des solutions de garde pour leurs enfants ou leurs animaux en urgence. L’un d’eux explique :

"J’ai dû payer une nourrice en pleine semaine sans l’avoir prévu. On n’avait que quelques jours pour se réorganiser. Ce n’est pas juste un changement de planning, c’est toute une vie qu’on doit ajuster."

Ces exigences ont créé une atmosphère de tension croissante, certains allant jusqu’à parler de "chantage moral à la passion du jeu vidéo", selon les termes utilisés dans l’enquête. Il s’agit d’un exemple frappant de la manière dont la pression créative et les délais internes peuvent pousser les studios à franchir des limites que beaucoup estiment inacceptables.

 

Réactions des employés et conséquences personnelles

Témoignages anonymes sur la charge de travail

Si Naughty Dog n’a pas officiellement commenté les révélations de Bloomberg, plusieurs employés ont pris la parole anonymement pour décrire une situation qu’ils jugent éprouvante. Selon ces témoignages, les développeurs ont ressenti une pression constante pour se conformer aux nouvelles directives, sous peine de voir leur image ou leur avenir au sein du studio remis en question.

Certains décrivent un climat de stress latent, où l’implication personnelle est surveillée, évaluée et, parfois, instrumentalisée. Le fait de devoir remplir un tableur avec les heures supplémentaires n’était pas simplement un outil de gestion, mais un moyen de contrôle perçu comme "infantilisant" par plusieurs membres de l’équipe.

"On nous dit que c’est temporaire, mais on connaît la chanson. Une démo aujourd’hui, une pré-version demain, et c’est un marathon sans fin", confie un employé.

Ce type de gestion alimente un mal-être généralisé, où la passion du métier se heurte à des pratiques managériales difficiles à justifier dans un studio aussi renommé.

Impact sur la vie personnelle et familiale

Au-delà des considérations professionnelles, cette période de crunch imposé a eu des répercussions concrètes sur la vie personnelle des salariés. Le retour obligatoire au bureau cinq jours par semaine a notamment mis à mal l’équilibre vie pro/vie perso que beaucoup avaient réussi à instaurer grâce au télétravail partiel.

Certains développeurs ont raconté avoir dû réorganiser leurs gardes d’enfants à la dernière minute, engager des aides extérieures non prévues, ou laisser leurs animaux seuls plus longtemps, provoquant stress et culpabilité. Pour les parents célibataires ou les employés éloignés géographiquement, ces contraintes logistiques ont été particulièrement lourdes à gérer.

Ce genre de situation soulève une question essentielle : jusqu’où peut-on demander à des individus de sacrifier leur quotidien au nom de la productivité créative ? La réponse reste floue, surtout dans une industrie qui valorise encore trop souvent la performance au détriment du bien-être.

 

Ce que cela signifie pour l’industrie du jeu vidéo

Crunch et pratiques de travail dans le secteur

La situation révélée chez Naughty Dog n’est pas un cas isolé. Le "crunch", ce terme désormais tristement célèbre dans le milieu du développement vidéoludique, désigne ces périodes où les employés sont soumis à des cadences de travail intensives, souvent sans compensation équivalente. Ce phénomène touche les plus grands studios de la planète, malgré les engagements publics à le réduire, voire à l’éliminer.

Depuis plusieurs années, des enquêtes successives pointent du doigt ces pratiques : chez CD Projekt Red pour Cyberpunk 2077, chez Rockstar pour Red Dead Redemption 2, et maintenant de nouveau chez Naughty Dog. Si le crunch est parfois présenté comme un "passage obligé" pour livrer un jeu ambitieux, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer un système structurellement défaillant.

La situation d’Intergalactic est d’autant plus symbolique qu’elle intervient dans un contexte où la question de la santé mentale et de l’équilibre vie-travail est devenue centrale. Les développeurs ne sont plus prêts à sacrifier leur bien-être pour répondre à des deadlines souvent irréalistes.

Comparaison avec d’autres studios et réactions de la communauté

Certaines entreprises du secteur ont tenté d’adopter des approches alternatives : Insomniac Games ou Supergiant Games sont régulièrement cités en exemple pour leur politique anti-crunch. Ces studios démontrent qu’il est possible de concilier qualité de production et respect des équipes, même si cela nécessite une planification rigoureuse et une gestion plus humaine.

Dans le cas de Naughty Dog, la réaction du public reste encore mesurée, en partie à cause de l’absence de communication officielle. Cependant, sur les réseaux sociaux et les forums spécialisés, les réactions oscillent entre déception et fatalisme. Pour beaucoup de joueurs, l’image du studio est ternie par cette récurrence des scandales internes.

"C’est un studio que j’admirais. Aujourd’hui, j’ai du mal à séparer l’œuvre de ceux qui souffrent pour la produire", écrit un utilisateur sur Reddit.

Cette affaire relance le débat sur la responsabilité des studios, mais aussi sur celle du public : à force de vouloir toujours plus, plus vite, plus beau, n’alimentons-nous pas indirectement ce cycle de surmenage ?

 


En quelques mots

Les révélations autour du développement d’Intergalactic: The Heretic Prophet jettent une lumière crue sur les pratiques internes de Naughty Dog. Malgré son prestige, le studio californien semble toujours enfermé dans une logique où l’excellence créative justifie des sacrifices humains. Les heures supplémentaires imposées, la fin du télétravail partiel et l’organisation précipitée exigée des employés rappellent à quel point le crunch est enraciné dans la culture de certains géants du jeu vidéo.

Mais cette situation n’est pas une fatalité. D’autres studios prouvent qu’un autre modèle est possible. Et plus que jamais, la vigilance des médias, des joueurs et des travailleurs eux-mêmes sera nécessaire pour encourager des pratiques plus éthiques et durables.

Alors qu’Intergalactic est attendu pour mi-2027, cette affaire risque de rester dans les mémoires comme un signal d’alarme de plus, dans une industrie qui doit encore apprendre à protéger ses talents autant que ses créations.

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