
En décembre dernier, Intergalactic: The Heretic Prophet faisait une entrée fracassante dans l’univers vidéoludique en tant qu’exclusivité PS5 signée Naughty Dog. Si la bande-annonce a éveillé la curiosité de nombreux fans de science-fiction et de récits introspectifs, elle a aussi suscité une vive polémique, notamment autour de l’apparence de son héroïne principale, Jordan A. Mun. Ce n’est pas la première fois que le studio derrière The Last of Us ou Uncharted se retrouve au cœur de débats en ligne: on se souvient des vives réactions générées par certains choix narratifs dans The Last of Us Part II.
Mais cette fois-ci, le sujet est plus frontal. Il s’agit de représentation, d’identité, et de la place des minorités dans un média encore en transition. L’actrice Tati Gabrielle, connue pour ses rôles dans The 100 et You, campe cette nouvelle protagoniste à l’allure atypique, arborant une tête rasée et une présence imposante. Un choix artistique assumé par Naughty Dog, mais qui n’a pas manqué de faire réagir une frange vocale d’internautes.
Face à cette tempête numérique anticipée, Gabrielle n’était pas seule. Elle a pu compter sur le soutien du réalisateur Neil Druckmann, figure emblématique du studio, qui l’a aidée à se préparer psychologiquement à l’exposition et aux critiques. Ce partenariat entre une actrice montante et un vétéran du jeu vidéo promet une œuvre marquante, aussi bien sur le plan narratif qu’humain.
Tati Gabrielle: Une actrice prête à affronter la tempête numérique
Une préparation mentale orchestrée par Neil Druckmann
Dans une industrie du jeu vidéo où les projecteurs peuvent aussi bien éclairer qu’éblouir, Tati Gabrielle s’est aventurée avec lucidité et sang-froid. Consciente du poids que représente un rôle principal dans une production Naughty Dog, elle s’est tournée vers un mentor aguerri: Neil Druckmann. Le réalisateur, célèbre pour son approche émotionnelle et provocante du récit, ne s’est pas contenté de diriger l’actrice. Il l’a coachée, conseillée, et accompagnée dans les coulisses d’une médiatisation parfois brutale.
« Neil m'a donné de véritables cours d'entraînement. Je connais l'expérience de Troy (Baker), je connais l'expérience d'Ashley (Johnson)... je connais l'expérience de Laura Bailey », a confié Gabrielle.
Ces noms ne sont pas anodins. Tous ont été, à divers degrés, exposés à des vagues de critiques, voire de harcèlement, notamment lors de la sortie de The Last of Us Part II. Druckmann, ayant déjà été la cible lui-même, savait ce que représentait cette prise de rôle pour Gabrielle, et l’a soutenue activement avant et après l’annonce officielle du jeu.
Une actrice consciente des enjeux de représentation
Pour Tati Gabrielle, le tumulte médiatique autour de son rôle n’a pas été une surprise. Mais il ne l’a pas laissée indifférente. Être une femme noire, arborant une tête rasée, à la tête d’un AAA exclusif à la PlayStation, c’est encore aujourd’hui une rareté dans le paysage vidéoludique.
« J’ai reçu beaucoup d’amour, mais il y a eu beaucoup de haine parce que j’étais une femme. Une femme de couleur, que j’avais la tête rasée… toutes ces choses que je n’avais pas vues au départ », a-t-elle déclaré avec franchise.
Son choix de se tenir à distance des réseaux sociaux n’est pas anodin non plus. Dans un monde ultra-connecté où la moindre image peut être analysée, détournée ou critiquée, Gabrielle préfère se recentrer sur son art et laisser son travail parler pour elle. C’est avec cette même force tranquille qu’elle aborde son personnage de Jordan A. Mun, prête à porter un message fort à l’écran, au-delà des polémiques.
Une annonce qui divise: entre éloges et controverses
Des réactions en ligne contrastées
L’annonce d’Intergalactic: The Heretic Prophet a provoqué un véritable raz-de-marée sur les réseaux sociaux. D’un côté, des fans saluant le courage créatif de Naughty Dog, l’audace de son esthétique rétro-futuriste et la mise en avant d’un personnage féminin atypique. De l’autre, une frange plus conservatrice du public exprimant son mécontentement quant aux choix de design et aux thématiques abordées.
Certains internautes ont rapidement critiqué l’apparence de Jordan A. Mun, s’attaquant à son look jugé "militant", voire "idéologique". Pour d'autres, il s'agit d’un énième exemple de ce qu’ils perçoivent comme un « agenda progressiste » imposé à l’industrie vidéoludique. Ces réactions témoignent d’un clivage persistant autour de la représentation dans les jeux vidéo: chaque avancée semble encore devoir affronter une vague de résistance, souvent bruyante.
Pour autant, une autre partie de la communauté a exprimé son enthousiasme. De nombreux joueurs et joueuses ont salué la diversité croissante dans les blockbusters vidéoludiques, voyant en Jordan A. Mun une héroïne fraîche et authentique, loin des archétypes traditionnels.
Le choix de Naughty Dog de désactiver les commentaires
Face à la montée rapide des réactions négatives, Naughty Dog a pris une décision radicale mais révélatrice: désactiver les commentaires sur la bande-annonce YouTube du jeu. Ce geste, bien que critiqué par certains comme un "silencieux aveu de faiblesse", a surtout été perçu par beaucoup comme une volonté de protéger les équipes créatives et les interprètes, tout en maintenant le cap sur la vision artistique initiale.
Ce n’est pas la première fois qu’un studio de cette envergure prend une telle mesure. Cela soulève une question plus large: les créateurs doivent-ils s’adapter à la réception du public, ou suivre leur conviction jusqu’au bout, même si elle divise ?
Druckmann, fidèle à son style, semble avoir tranché. Intergalactic ne cherchera pas à plaire à tout le monde. Mais il cherche à raconter une histoire forte, qui résonnera avec ceux qui se reconnaissent dans ses choix audacieux.
Intergalactic: The Heretic Prophet: Un jeu aux thématiques audacieuses
Une exploration de la foi et des croyances
Si les visuels et le personnage principal ont beaucoup fait parler, c’est bien le cœur narratif d’Intergalactic: The Heretic Prophet qui risque d’enflammer les débats à sa sortie. Naughty Dog s’attaque ici à un sujet rarement exploré avec autant de frontalité dans le jeu vidéo grand public: la religion. Le jeu imagine une foi fictive dominante sur une planète nommée Sempira, où le personnage de Jordan A. Mun devient une sorte de prophète hérétique, remise en question par l’ordre établi.
À travers ce récit, le studio interroge non seulement les fondements de la croyance, mais aussi la manière dont les institutions religieuses façonnent les sociétés, les identités et les oppressions. Le scénario promet une immersion dans des dilemmes moraux, des confrontations spirituelles et une remise en question de l’autorité.
Ce traitement narratif n’est pas sans rappeler les approches cinématographiques de Denis Villeneuve ou Ridley Scott, où la science-fiction devient un terrain fertile pour explorer les grands questionnements humains. Le jeu ne cherche pas à offenser, mais plutôt à questionner — une démarche risquée, mais qui peut s’avérer puissante.
Un univers rétro-futuriste immersif
Visuellement, Intergalactic: The Heretic Prophet affiche une direction artistique forte, inspirée des codes visuels des années 80, avec une touche d’esthétique cyber-tribale. Les décors de la planète Sempira combinent architecture religieuse monumentale, influences orientales stylisées et technologies oubliées. Le contraste entre spiritualité archaïque et futurisme décadent crée un monde unique, chargé d’une atmosphère lourde, presque mystique.
Chaque environnement semble pensé pour soutenir le récit: temples engloutis, cités sanctuaires, forêts illuminées par des néons... tout participe à immerger le joueur dans une expérience sensorielle et symbolique. L’univers visuel devient un personnage à part entière, prolongeant les questionnements philosophiques du jeu à travers chaque détail de son level design.
Cet aspect esthétique, allié à une narration introspective, pourrait bien inscrire le jeu dans la lignée des chefs-d'œuvre narratifs modernes, à l’instar de Control, Death Stranding ou encore Hellblade.
En quelques mots
Avec Intergalactic: The Heretic Prophet, Naughty Dog ne se contente pas de produire un jeu, mais propose un manifeste. Entre représentation audacieuse, questionnements spirituels et direction artistique tranchée, le titre s’annonce comme l’un des plus singuliers de la génération PS5. Tati Gabrielle, dans le rôle de Jordan A. Mun, incarne cette volonté de sortir des sentiers battus, tout en affrontant de plein fouet les réactions – parfois virulentes – que cela implique.
À travers les propos de l’actrice et le soutien indéfectible de Neil Druckmann, on entrevoit un processus de création profondément humain, ancré dans une époque marquée par les tensions identitaires et les débats culturels. Intergalactic ne plaira pas à tout le monde – et ce n’est peut-être pas le but. Mais il s’inscrira sans doute comme une œuvre marquante, un jalon dans la lente mais nécessaire évolution du médium vidéoludique vers plus de diversité, de profondeur et de courage artistique.